Étant un artisanat ancestral de l’ethnie minoritaire Pa Cô -Vân Kiêu, vivant dans le district montagneux de Dakrông de la province de Quang Tri (au Centre), le tissage de brocatelle est depuis longtemps associé à la vie quotidienne de la population locale.
Mais il fut un temps où, modernisation oblige, ce métier traditionnel s’érodait au fil des années, les jeunes préférant porter des vêtements tendance au lieu de ceux en brocart, et ce même pour les grandes occasions. Les Pa Cô de la commune d’A Bung, district de Dakrông, ont dû délaissé cet artisanat et remiser leurs métiers à tisser au placard.
Relancer le métier
Cependant, liée étroitement à l’art du brocart, Doàn Thi Nga, une locale née en 1974, les a dépoussiérés, “réveillant” cet artisanat qui semblait avoir été oublié. Elle a trouvé un moyen de le sauver avec son enthousiasme et ses efforts...
"Nous côtoyons les métiers à tisser et les fils colorés depuis que nous sommes enfants. Selon la tradition, une fille Pa Cô doit confectionner elle-même sa propre robe de mariée en brocart. Ainsi, cet artisanat est considéré comme l’âme des Pa Cô", explique-t-elle. "La première fois que je suis entrée dans la maison de mon mari, j’ai vu un métier à tisser dans un coin de la cuisine", se souvient-elle. À l’époque, la plupart des habitants avaient cessé de faire du brocart car ces produits ne se vendaient pas bien.
Autrefois, la mère de Nga rappelait souvent à sa fille d’apprendre le tissage de brocatelle car il s’agissait d’un artisanat traditionnel des Pa Cô: "Si tu ne l’apprends pas, il sera difficile de garder tes racines plus tard". Raison pour laquelle Doàn Thi Nga a essayé de faire revivre ce métier d’antan. "Il m’a fallu deux jours pour tisser un sac qui m’a valu beaucoup de compliments de la part de ma belle-mère et de mes voisins". Une première expérience valorisante qui l’a poussée à continuer le tissage de brocatelle.
Depuis, de plus en plus de personnes, surtout des jeunes filles, se sont inscrites pour apprendre à tisser à ses côtés. Une initiative qui n’a eu de cesse de faire grandir la popularité de Mme Nga. Les habitants de régions voisines l’ont même invitée à venir leur apprendre à tisser le brocart.
Insuffler un vent nouveau
Des Pa Cô portant leurs tenues traditionnelles à leur mariage.
Photo : Thanh Thuy/VNA/CVN.
À la suite de ces nombreuses rencontres, elle reçut de nombreuses commandes. Pour faire face à la demande croissante, elle fit appel à d’autres professionnels: "J’ai dû recourir à d’autres tisserandes professionnelles de ma commune. Nous devions parfois travailler jour et nuit, mais nous attachions toujours une grande importance à la qualité".
Par chance, elle fut invitée à participer à une foire à Hanoï où elle a presque été éblouie devant les nombreux vêtements traditionnels confectionnés à la main par d’autres groupes ethniques du pays.
"Cela m’a beaucoup touchée de voir tant de gens s’arrêter à mon stand et observer mes produits. Une jeune femme m’a demandé de lui tisser une robe en brocart de style moderne pour qu’elle puisse la porter lors d’événements importants", se remémore Doàn Thi Nga. À ce moment-là, une idée lui apparut: "Pourquoi ne pas insuffler un vent nouveau aux costumes en brocatelle?".
De retour à la maison avec beaucoup d’expériences acquises, hormis les tenues traditionnelles, elle confectionne également de nombreux accessoires en brocart tels que portefeuilles, sacs à main et chapeaux. Elle se consacre également au tissage des costumes ayant des motifs modernes à partir du brocart traditionnel. Elle ne s’attendait pas que ces produits soient bien appréciés de nombreuses femmes. Certaines venues de la plaine sont même venues chez Mme Nga pour passer commande. "Beaucoup sont surprises de savoir que la robe que j’ai tissée durant des jours ne coûte que le même prix que le vêtement qu’elles portent. Alors, elles m’ont commandé une série, en m’offrant encore de l’argent", confie-t-elle.
Développer le tissage traditionnel
D’après Doàn Thi Nga, tisser un beau drap prend entre trois et cinq jours, puis deux à trois jours de plus pour le transformer en vêtement. "Chaque réalisation est le fruit du travail acharné et de la passion de l’artisane". Les tenues traditionnelles de cette ethnie expriment la vie rustique et simple de la commune reculée d’A Bung, dans la cordillère de Truong Son. Le costume des hommes est coloré avec plein de motifs, tandis que celui des femmes est noir et orné de motifs délicats.
Les Pa Cô-Vân Kiêu pensent que chacun a sa propre signification qui exprime le souhait du porteur. Il s’agit soit de la timidité d’une jeune fille qui veut choisir son mari, soit de la puissance d’un jeune homme participant aux fêtes, tantôt des réjouissances des personnes âgées assises autour du ruou cân (alcool de riz siroté avec une tige de bambou), ect.
Hô Van Hiên, vice-président du Comité populaire de la commune d’A Bung, remarque que depuis que l’artisanat de tissage de brocatelle a été relancé, il est heureux de voir de plus en plus de personnes qui en portent.
Par ailleurs, pour préserver ce savoir-faire, le district de Dakrông a fait appel à des organisations nationales et étrangères. L’objectif est d’aider les tisseuses à développer leur potentiel commercial. "Avec le consensus des autorités et des habitants, le tissage traditionnel du brocart reprendra vie et se développera", estime Hô Thi Kim Cúc, vice-présidente du Comité populaire du district de Dakrông.