Selon les estimations de la Banque mondiale, les activités de transport au Vietnam émettent chaque année environ 50 millions de tonnes de CO2. Ce chiffre pourrait atteindre 90 millions de tonnes d’ici 2030 si aucune transformation fondamentale n’est engagée. Dans un contexte où l’ouverture de l’économie équivaut à près du double du PIB et où les exigences environnementales se renforcent, la logistique verte n’est plus un choix mais devient une obligation pour toute entreprise souhaitant s’intégrer profondément dans les chaînes de valeur mondiales.
Pour réduire les émissions, la clé réside dans les données. Les entreprises ne peuvent prouver leur réduction de gaz à effet de serre que lorsqu’elles disposent de données de mesure transparentes, précises et traçables. Cela fait de la transformation numérique un levier essentiel. Sans transformation numérique, il est impossible d’atteindre une véritable logistique verte.
Selon la Docteure Nguyen Thi Bach Tuyet de l’Institut des technologies de l’information et de l’économie numérique, Université d’Économie Nationale, tous les modèles verts commencent par des chiffres. Une entreprise souhaitant démontrer l’efficacité de ses réductions d’émissions doit disposer de données collectées automatiquement et en continu, depuis le trajet des véhicules jusqu’au volume de gaz émis sur chaque itinéraire. Le système d’information de gestion joue un rôle central en connectant logiciels, bases de données, dispositifs IoT et intelligence artificielle, afin de suivre, analyser et fournir des indicateurs en temps réel.
Transformation numérique - tremplin pour un développement vert
Au port Tan Cang-Cat Lai, au lieu des méthodes manuelles et des échanges fragmentés d’autrefois, l’entreprise - détentrice d’une marque nationale - a numérisé ses opérations grâce au système TMS (Transportation Management System), une plateforme intégrée de coordination du transport : planification, suivi d’avancement, gestion de flotte, rapprochement des coûts avec les sous-traitants, envoi d’avis automatiques aux clients et au personnel opérationnel.
Le capitaine Tran Ngoc Tinh, directeur adjoint du Centre de régulation du port Tan Cang-Cat Lai, relevant de la copmpagnie générale Tan Cang Sai Gon, indique qu’un petit groupe de personnel suffit désormais pour traiter un volume de travail considérable grâce à l’automatisation. Les clients, auparavant contraints de se rendre sur place pour effectuer les démarches, peuvent désormais consulter, soumettre leurs demandes et régler les frais bancaires depuis leur domicile. Chaque conteneur permet de réduire en moyenne 0,02 heure de traitement, ce qui fait gagner un temps précieux et diminue le nombre de véhicules en attente, contribuant ainsi à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Pour M. Truong Tan Loc, directeur Marketing de la compagnie générale Tan Cang Sai Gon, l’entreprise déploie des solutions de numérisation et de verdissement à plusieurs niveaux. Deux ports du système ont déjà été reconnus comme ports verts au sein du réseau portuaire Asie–Pacifique. Les normes strictes de la région sont progressivement satisfaites grâce à la numérisation simultanée des processus et à l’optimisation énergétique.
Non seulement les grandes entreprises, mais aussi les prestataires de services logistiques se transforment rapidement. Selon M. Vu Ho Ninh, directeur du Nord de la société par actions spécialisée dans le fret et la logistique Con Ong, l’entreprise place toujours la priorité sur la transformation numérique et la transition verte. L’État a fixé l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050, et chaque entreprise doit assumer sa part de responsabilité, même à partir des plus petites actions. Lorsque toutes les entreprises avancent ensemble, l’objectif national devient pleinement réalisable.
Ces dynamiques créent un effet d’entraînement positif dans tout le secteur. Les chaînes d’approvisionnement deviennent plus transparentes, les données sont interconnectées, la vitesse de traitement augmente, les coûts diminuent et les entreprises sont en mesure de prouver leur conformité environnementale pour accéder aux marchés les plus exigeants.
La logistique verte façonne l’avenir concurrentiel de l’économie numérique
La logistique verte et la numérisation constituent également les fondations permettant de renforcer la marque nationale. Un pays doté d’un système logistique moderne, transparent et respectueux de l’environnement aura davantage de chances d’accroître la valeur de ses exportations, d’élargir ses marchés et de s’intégrer plus profondément dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Il s’agit d’un facteur clé pour que le Vietnam passe du statut de pays sous-traitant à celui de partenaire stratégique dans le commerce international.
Selon le Professeur associé, Docteur Bui Quang Tuan, directeur de l’Institut d’Économie du Vietnam, la transition verte et la transformation numérique constituent des tendances objectives de l’économie moderne. De là, le passage au modèle d’économie circulaire devient un prolongement naturel. Toutefois, l’économie circulaire exige des standards très élevés en matière de technologies, de gouvernance et de conditions opérationnelles, autant d’éléments pour lesquels le Vietnam présente encore un écart considérable par rapport aux exigences réelles.
Le secteur logistique mondial évolue rapidement avec pour objectif la numérisation et le verdissement des chaînes d’approvisionnement.
Selon lui, pour transformer le modèle linéaire en modèle circulaire, il faut commencer dès la conception au sein des zones industrielles. La structure de production doit être organisée de manière à ce que les déchets ou sous-produits d’une entreprise deviennent les intrants d’une autre. Cela n’est possible que si une conception globale et synchronisée est mise en place , cela demeure actuellement un goulot d’étranglement majeur au Vietnam.
Lors du Forum Logistics Vietnam 2025 organisé à Da Nang, le Premier ministre Pham Minh Chinh a souligné que le Vietnam bénéficie d’un avantage géopolitique important, mais que les investissements dans la logistique restent dispersés. Dans les temps à venir, le pays devra développer des infrastructures de services logistiques vertes et numériques, construire des centres logistiques intelligents, renforcer l’interconnexion des données entre entreprises, autorités de gestion, banques, assurances et système douanier. Il est également nécessaire de développer des ressources humaines de haute qualité et de soutenir les entreprises capables de s’implanter sur les marchés régionaux et internationaux.
Lorsque ces orientations seront mises en œuvre de manière cohérente, la logistique verte ne sera plus seulement une exigence mais deviendra une valeur fondamentale, un marqueur de l’identité de la marque nationale vietnamienne dans la nouvelle décennie. Un avenir où l’économie fonctionnera sur un système logistique intelligent, économe en énergie, à faibles émissions et hautement compétitif est en train de se dessiner. Le Vietnam dispose de toutes les conditions pour entrer dans une nouvelle ère de logistique durable et affirmer sa position sur la carte économique régionale.