À Pa Tan, dans la province de Lai Chau, la communauté des Mang, seule population autochtone de la région, s’efforce de préserver et de valoriser son héritage culturel face aux défis de la modernité. Grâce à la mise en œuvre de programmes nationaux ciblés, de nombreux usages, fêtes et pratiques culturelles caractéristiques ont pu renaître peu à peu.
Dans la zone de Nam Ban, considérée comme le berceau des Mang, les transformations sociales liées à l’ouverture et à l’intégration ont mis en péril certaines traditions. Dans ce contexte, la sauvegarde de l’identité culturelle ne répond pas seulement à une urgence patrimoniale, mais constitue aussi un facteur essentiel de cohésion sociale et de développement durable en zone frontalière.
Des coutumes bien ancrées
Parmi les quelque vingt groupes ethniques coexistant à Lai Chau, les Mang se distinguent par des pratiques sociales et cérémonielles singulières. Le tatouage du menton, les rites nuptiaux où l’on simule une bagarre entre les familles des futurs époux avant de badigeonner ces dernières de boue, ou encore des liens communautaires très structurés, forment une part importante de l’identité collective.
Aux côtés du Tet Nguyen Dan, le « Têt du nouveau riz » est une fête traditionnelle majeure célébrée après les récoltes, au dixième mois lunaire. Autrefois limitée à la sphère familiale, cette cérémonie a, ces dernières années, bénéficié de l’appui des autorités pour être organisée à l’échelle communautaire, favorisant ainsi les échanges et les rencontres entre villageois et renforçant les solidarités locales.
Selon l’artisane Lo Thi Chuong, de Nam Sao, la fête du nouveau riz est une prière pour des récoltes abondantes, la santé et la prospérité. Sa célébration collective permet désormais de transmettre pleinement ces rituels aux jeunes générations.
Un patrimoine vivant, transmis aux jeunes
Outre les rites, la vie culturelle des Mang s’exprime à travers les arts populaires. Les chants dialogués entre hommes et femmes rythment fêtes, inaugurations de maisons et mariages. Les anciens attachent une importance particulière aux épopées traditionnelles, notamment le Soỏng muẳng, une narration mythique sur le partage des terres, reflet des conceptions sociales de ce peuple.
Des instruments traditionnels comme les tambours, les gongs, le monocorde, la flûte ou la cornemuse ont longtemps animé la vie spirituelle. Mais avec le temps, seuls les aînés maîtrisent encore ces arts.
Pour contrer cette érosion culturelle, des ateliers de chant, de confection d’instruments et de tissage de costumes traditionnels ont été mis en place, offrant aux jeunes Mang la possibilité d’apprendre et de s’approprier cet héritage.
Vers une préservation durable
Selon Ly A Lau, chef du village de Nam O, la pratique des rituels, des coutumes et des danses traditionnelles était autrefois l’apanage des anciens. Aujourd’hui, grâce aux activités de transmission culturelle et à l’organisation régulière de fêtes communautaires, les jeunes générations s’approprient peu à peu ce patrimoine et s’impliquent activement dans sa préservation. Certains jeunes vont même plus loin, en développant des produits textiles ou d’artisanat en vannerie, associant ainsi la sauvegarde culturelle à des perspectives de subsistance économique.
À Pa Tan, l’organisation d’une Journée culturelle et sportive dédiée au peuple Mang a réuni plus de 120 participants autour de défilés de costumes traditionnels, de concours de chants et de danses, de reconstitutions de rites ancestraux et d’épreuves sportives locales. Ces activités ont contribué à ranimer l’espace culturel communautaire et à renforcer le sentiment d’appartenance.
Pour Chao Anh Tuyen, responsable de la culture locale, l’intégration de la conservation culturelle dans les projets de développement a permis de revitaliser progressivement les traditions Mang, enrichissant la vie spirituelle des habitants, consolidant la stabilité sociale et posant les bases d’un développement durable.
À l’avenir, Pa Tan prévoit de poursuivre ses efforts de sensibilisation auprès des autorités et de la population sur l’importance du patrimoine culturel : langue, costume, rites, musiques et danses. Les chefs de village et les personnes influentes sont encouragés à promouvoir ces valeurs, à éliminer les pratiques obsolètes et à encourager une vie culturelle renouvelée.
La préservation de l’identité culturelle des Mang ne se limite pas seulement à protéger un héritage rare, mais elle renforce aussi la cohésion nationale, améliore la qualité de vie et permet à cette communauté d’intégrer pleinement le développement global de la région de Pa Tan et de la province de Lai Chau.