Réduire les déchets plastiques : le défi des 5,3 milliards de pailles jetées chaque année

Réduire les déchets plastiques : le défi des 5,3 milliards de pailles jetées chaque année

Difficiles à collecter et à recycler, les pailles en plastique posent un défi de taille au Vietnam, où 5,3 milliards d’unités sont utilisées chaque année. La question des coûts et les habitudes de consommation rendent leur remplacement compliqué.

Depuis fin 2024, Nguyen Thu Ha et ses associés ont ouvert un café dans une petite ruelle de la rue Nguyen Luong Bang, à Hanoï, baptisé Nha Bon Hai Mot. L’établissement ne propose aucun produit en plastique, y compris les pailles, qui sont ici fabriquées à base de riz, dans le respect de l’environnement.

Mais ce type de modèle reste marginal. Les pailles en plastique constituent toujours un choix courant dans des centaines de milliers d’établissements du secteur alimentaire et des boissons.

Outre les pailles en U fixées aux briques de lait ou de jus par les industriels, on trouve sur le marché toutes sortes de pailles ondulées, droites, de différents diamètres.

Selon les données de la Banque mondiale publiées en 2022, plus de 5,3 milliards de pailles sont utilisées chaque année au Vietnam.

Bien qu’elles ne soient pas indispensables, les pailles figurent parmi les dix déchets plastiques les plus répandus au Vietnam.

Fabriquées principalement en polypropylène (PP) ou en polyéthylène (PE) de qualité alimentaire, elles sont difficiles à recycler en raison de leur petite taille, de leur légèreté et de la complexité de leur collecte et de leur nettoyage. Cela favorise leur dispersion dans l’environnement.

Une paille en riz coûte entre 300 et 700 dongs, soit cinq à dix fois plus qu’une paille en plastique.

Une paille en riz coûte entre 300 et 700 dongs, soit cinq à dix fois plus qu’une paille en plastique.

Un coût élevé et une faible demande locale

La persistance des pailles en plastique tient d’abord à leur faible coût. Les alternatives – en riz, papier, herbe, canne à sucre ou même en légumes – sont beaucoup plus chères. Par exemple, une paille en riz coûte entre 300 et 700 dongs, soit cinq à dix fois plus qu’une paille en plastique.

Le prix élevé constitue également un frein pour les fabricants de pailles alternatives. Comme la majorité des entreprises de la restauration sont de petite taille, elles cherchent à réduire au maximum leurs dépenses. Résultat : les produits écologiques sont plus facilement exportés que consommés sur le marché intérieur.

C’est le cas de Green Joy, une startup vietnamienne qui fabrique des pailles à base d’herbe Lepironia. Ce projet, qui a remporté le prix du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) lors du concours EPPIC 2021, exporte principalement vers l’Europe et le Japon.

Au Vietnam, seules quelques chaînes de restaurants et d’hôtels figurent parmi ses clients, explique Hoang Thanh Vinh, responsable du programme d’économie circulaire du PNUD Vietnam.

Même constat pour la société Hunufa, l’un des rares fabricants vietnamiens de pailles en bagasse de canne à sucre. Elle exporte actuellement 90 % de sa production vers les États-Unis, le Japon et l’Australie.

Le marché domestique n’en consomme que 10 %. Hunufa rencontre aujourd’hui des difficultés liées à la nouvelle politique tarifaire des États-Unis, qui a freiné les commandes.

Sensibilisés mais peu de changement concret

Un autre obstacle majeur réside dans les habitudes des consommateurs et des commerçants.

Une enquête sur les connaissances, attitudes et pratiques (KAP) menée par le PNUD a révélé que 92 % des consommateurs sont conscients des effets néfastes du plastique, mais que cette prise de conscience ne se traduit pas toujours par des actions concrètes.

Même les vendeurs ambulants et les habitants des zones rurales admettent les risques environnementaux, mais continuent d’utiliser des pailles en plastique.

Du côté des commerçants, la facilité d’utilisation et les demandes des clients sont les principales raisons de leur maintien.

Starbucks a annoncé la suppression des pailles en plastique dès 2018. Source : Vneconomy

Starbucks a annoncé la suppression des pailles en plastique dès 2018. Source : Vneconomy

Selon les statistiques du PNUD, chaque année, le commerce de détail génère entre 300.000 et 400 000 tonnes de plastique à usage unique, soit 10 à 13 % du volume total de déchets plastiques du pays. Ce chiffre pourrait atteindre 800.000 tonnes dans les années à venir, avec une croissance annuelle estimée à 25 %.

Actuellement, seules quelques grandes entreprises ont pris des mesures pour réduire l’usage du plastique. Starbucks, par exemple, a annoncé la suppression des pailles en plastique dès 2018.

Au Vietnam, la chaîne utilise des pailles en papier comme alternative. Cette solution est également adoptée dans certains cafés de Trung Nguyen.

Sur le marché des boissons avec paille, Nestlé a été pionnier en remplaçant, dès 2020, 1,5 milliard de pailles en plastique par des pailles en papier pour les boîtes de Milo, malgré un coût multiplié par 2,5.

Quelques petites structures tentent elles aussi de s’adapter pour adopter des solutions respectueuses de l’environnement. Mais cette transition fait grimper leurs frais d’exploitation de deux à trois fois.

En outre, certains établissements, comme Nha Bon Hai Mot, limitent les ventes à emporter faute d’une solution d’emballage durable satisfaisante. Cette décision impacte fortement leurs revenus, selon le cofondateur. L’équipe envisage actuellement une formule de vente à emporter reposant sur un système de consigne «échange d’emballages», afin de concilier augmentation du chiffre d’affaires et réduction des déchets plastiques.

Des solutions à portée de main

Comme de nombreux pays du monde, le Vietnam s’engage à prendre des mesures énergiques pour réduire les déchets plastiques et les sacs en nylon. Source : thuanducjsc.

Comme de nombreux pays du monde, le Vietnam s’engage à prendre des mesures énergiques pour réduire les déchets plastiques et les sacs en nylon. Source : thuanducjsc.

Pour que les produits écologiques s’intègrent durablement dans la vie quotidienne, les experts recommandent de combiner la traction des consommateurs et des distributeurs avec une impulsion politique forte. Selon des experts du PNUD, les mouvements de réduction du plastique chez les consommateurs ou les initiatives isolées des distributeurs n’ont qu’un impact limité en l’absence de politiques capables d’orienter efficacement les comportements.

M. Vinh plaide ainsi pour des politiques de restriction, voire d’interdiction des plastiques à usage unique. Il souligne notamment que les pailles, produits non essentiels, difficiles à collecter et à recycler, et particulièrement susceptibles de polluer l’environnement, devraient être éliminées dès que possible.

Conformément à la feuille de route nationale de réduction des plastiques, le décret 08/2022 impose aux comités populaires provinciaux de réglementer et de mettre en œuvre la gestion des déchets plastiques, afin d’interdire l’utilisation des produits plastiques à usage unique et des sacs en plastique dans les centres commerciaux, supermarchés, hôtels et zones touristiques après 2025.

Le Vietnam vise également à cesser la production et l’importation de ces produits après 2030.

Pour M. Vinh, une seule mesure réglementaire claire peut suffire à changer les comportements. Il cite l’exemple des sacs plastiques: s’ils ne sont plus disponibles dans les supermarchés, les clients s’habituent rapidement à apporter leurs propres sacs réutilisables. Le marché propose déjà de nombreuses options pratiques et abordables.

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