On ne peut aller bien loin avec 1.000 dôngs en poche, on ne peut même pas se payer un verre de " trà da " (thé vert glacé) à la buvette, c’est pour dire. Toutefois, Ngu Thi Kiêu Oanh, patronne du restaurant Bun bo Huê O Chanh dans la rue Ô Cho Dua, à Hanoï, propose pour cette somme, tous les premiers vendredis de chaque mois, des bols de " bun bo Huê " (vermicelles au bœuf sauté façon Huê) aux travailleurs à revenus modestes.
Du commerce caritatif
Ouvrant les portes de son échoppe il y a trois ans, Kiêu Oanh a décidé, à sa manière, de venir en aide aux autres. C’est quand son affaire a commencé à bien tourner, un an après, que la femme a mis en place son « resto du cœur » de " bun bo Huê ".
Ce n’est pas la première fois que cette femme agit au bénéfice des gens dans le besoin. Dans le passé, elle était déjà venue en aide aux sinistrés des intempéries, en distribuant gratuitement du porridge de riz chaud aux familles des malades et des plus défavorisés.
« Le vendredi du partage ». C’est ainsi qu’elle appelle la journée où elle vend son " bun bo Huê " au prix symbolique. La clientèle de Bun bo Huê O Chanh est essentiellement composée de travailleurs en difficulté tels que les ouvriers, les marchands ambulants et les ferrailleurs notamment.
Pourquoi un prix fixe de 1.000 dôngs le bol ? Kiêu Oanh s’en explique : « J’ai décidé de +vendre+ mes portions pour la somme symbolique de 1.000 dôngs plutôt que de les offrir gratuitement. Certaines personnes se vexent parfois, c’est une question de fierté ».
Le restaurant Bun bo Huê O Chanh n’est pas bien grand. Un bol coûte en temps normal 35.000 dôngs. Ce n’est pas cher par rapport à sa qualité. Naturellement, en proposant un tel prix, il est difficile pour Kiêu Oanh de réaliser des profits.
Une joie qui n’a pas de prix
Pratiquer des activités caritatives apporte son lot de difficultés. « Parfois, je n’ai pas suffisamment d’argent pour me procurer la totalité des ingrédients. Alors, je dois souvent demander aux fournisseurs de me faire crédit. Heureusement pour moi, ils sont compréhensifs et savent que c’est pour la bonne cause. Je détesterai l’idée de devoir arrêter ! », confie-t-elle.
Cependant, le « vendredi du partage » apporte également son lot de bonnes surprises. En effet, plusieurs personnes décident de payer 50.000 dôngs à la fin de leur repas. « Ils me disent que c’est pour tous ces bols à 1.000 dôngs qu’ils ont consommés dans le passé. C’est leur manière de me remercier et de me supporter dans cette cause. Ces gestes me touchent énormément et me motivent davantage dans le maintien de cette journée du partage », poursuit Kiêu Oanh.
Selon elle, nombreux également sont les donateurs qui lui ont proposé un coup de main pécuniaire. Par principe, Oanh refuse toute aide extérieure car elle tient à tout faire elle-même. « Au lieu de recevoir des aides financières, je leur propose de faire des dons alimentaires tel que le riz notamment. Ainsi, lorsque mes clients viennent profiter d’un bon bol chaud de +bun bo Huê+, parfois ils repartent en ayant bien plus que pour leur argent », raconte-t-elle.
Ses efforts au bénéfice des défavorisés sont reconnus. « Je n’ai jamais mangé de +bun bo Huê+ aussi bon. C’est littéralement de la sympathie et de la joie dans un bol ! Le tout offert par la chef pour nous autres travailleurs modestes », partage Nguyên Thi Xuân, originaire de la province de Nam Dinh (au Nord).
À l’approche du Têt, bon nombre de travailleurs lui rendent visite pour lui rendre la pareille en lui offrant du " gio " (mortadelle vietnamienne), du " banh chung " (gâteau de riz gluant), du " mut Têt " (fruits confits), afin de remercier la femme généreuse pour ses bons bols de " bun bo Huê ".
« Mon plus grand intérêt dans cette affaire, c’est vraiment la joie d’aider les autres, tout simplement », se réjouit la cuisinière au grand cœur.