Depuis 9 ans, la langue vietnamienne est devenue le lien qui unit ce japonais au pays et au peuple vietnamiens, tout en lui ouvrant un chemin pour se retrouver lui-même.
Des efforts pour s’intégrer à la nouvelle vie grâce à la langue vietnamienne
Au Vietnam, il choisit le prénom vietnamien « Học », car Manabu signifie « apprendre », ce qui reflète sa philosophie de vie.
Né en 1981 à Saitama (au Japon) dans une famille où le père était policier et la mère employée de bureau, il a étudié la criminologie et travaillé au service d’enquête sur les affaires liées aux ressortissants vietnamiens. Le travail stressant et le manque de sommeil lui ont fait dire : « Ce n’est pas la vie dont je rêve ».
En 2010, il s’est rendu pour la première fois à Hô Chi Minh-Ville pour apprendre le vietnamien. Dès son arrivée, il était impressionné par la gentillesse et l’hospitalité des Vietnamiens, toujours souriants.
Un an plus tard, il y est retourné pour mettre à l'épreuve ses compétences linguistiques et découvrir davantage la culture vietnamienne.
« Les gens sont si bienveillants, toujours souriants… La vie à Hô Chi Minh-Ville est agréable, détendue et bien différente de celle au Japon, où je dois me plier à de nombreuses règles et supporter la pression du travail », a-t-il raconté.
En 2014, il a suivi un cours intensif de vietnamien à l’Université polytechnique de Hanoï pendant deux mois. Cette fois-ci, il a pris son temps pour échanger avec davantage de Vietnamiens et s’attacher encore plus à ce pays.
Bien qu'il pense déjà que « la meilleure décision serait de vivre au Vietnam sur le long terme », il a travaillé encore deux ans à Saitama pour ne pas manquer à ses responsabilités. En 2016, alors qu’il occupait le poste de chef de la police, il a décidé de démissionner. Sa famille s’y est opposée, mais Manabu a choisi tout de même Hanoï.
Avec l’aide de ses amis, il a loué une maison à Hanoï et a cherché du travail. Les premiers mois, son salaire suffisait à peine pour payer le loyer et il devait puiser dans ses économies accumulées pendant dix ans. Il a tenté d’ouvrir une entreprise technologique, puis un centre d’enseignement du japonais, mais tous deux ont échoué.
Durant les trois premières années à Hanoï, en dehors du travail, il a étudié intensivement le vietnamien et a suivi un master en études vietnamiennes à l’Université des Sciences sociales et humaines. En 2020, il a obtenu son diplôme et aujourd’hui, il peut communiquer en vietnamien avec assurance.
Depuis 2019, il crée la chaîne YouTube HocTV, où il partage la culture, la gastronomie, ses expériences au Vietnam et enseigne le japonais aux Vietnamiens. De quelques dizaines de vues au début, la chaîne compte aujourd’hui 114 000 abonnés.
La plupart des vidéos sont en vietnamien et présentent la culture et la cuisine du Vietnam. À travers ces vidéos, Manabu souhaite expliquer pourquoi il ne peut quitter ce beau pays et faire découvrir le Vietnam à davantage de Japonais.
Grâce au vietnamien, Manabu s'est non seulement intégré à la vie au Vietnam, il a également trouvé un moyen de rapprocher les deux pays. Le vietnamien est désormais le pont qui lui permet de raconter le Vietnam avec sincérité et proximité.
L'attrait du Vietnam aux yeux d’un Japonais
Installé à Hanoï depuis 9 ans, Kaneya Manabu a affirmé que, lors des grands événements, comme le 30 avril et le 2 septembre, il parcourait souvent à moto les rues bordées de drapeaux rouges à étoile jaune pour profiter de l'ambiance joyeuse et fière.
Cette année, à l'occasion du 80ᵉ anniversaire de la Fête nationale vietnamienne, Manabu a vécu une autre expérience. Des cafés aux centres commerciaux en passant par les quartiers résidentiels, le drapeau national est hissé. Les gens portaient des « ao dai » et des chapeaux coniques pour se prendre en photo au mausolée de Hô Chi Minh.
« Des milliers de personnes sont même descendues dans la rue pour encourager les forces militaires qui s'entraînaient pour le défilé du 2 septembre. Une scène impressionnante », a dit cet homme de 44 ans.
Manabu a également expliqué qu'au Japon, les citoyens n'ont pas le droit de se prendre en photo avec les officiers de la police et de l'armée. Ils ne s’intéressent pas non plus aux entraînements pour le défilé militaire ou aux activités nationales de ce type. « Mais au Vietnam, les gens offrent des bouteilles d’eau, de la nourriture aux soldats et les considèrent comme des idoles. Ça m'étonne beaucoup », a déclaré Manabu.
Selon Cam Hang, 27 ans, amie de Manabu, ce Japonais est assidu à l’apprentissage du vietnamien, notamment des chansons, pour assister au « concert national ». Il lui a demandé d’être son guide touristique au Musée militaire du Vietnam pour en apprendre davantage sur l'histoire du pays et participer à l'exposition « Retour au moment sacré », utilisant la réalité virtuelle pour revivre l'atmosphère historique du 2 septembre 1945.
Dans une vidéo publiée sur sa chaîne HocTV, Manabu a confié : « Je ne peux plus retourner au Japon. Je ressens un amour profond pour la vie au Vietnam ». Pour lui, le Vietnam séduit par trois choses : la gentillesse des gens, l’importance des liens familiaux, et la richesse de la gastronomie.
Les Vietnamiens, a-t-il dit, « engagent toujours la conversation avec un sourire chaleureux et sont toujours prêts à m'aider ». La culture familiale lui semble « la plus belle », empreinte de bonheur simple.
Il avoue aussi être « accro » à la cuisine vietnamienne : phở, bánh mì, bánh xèo, bún chả, lẩu… « Maintenant, j’ai envie d’en manger tous les jours ».
Il s’est souvenu encore de ses premiers jours au Vietnam, quand tout était encore difficile. Un jour, il a demandé à son propriétaire où acheter un ventilateur. Celui-ci lui a répondu : « Monte sur ma moto, je t’emmène en acheter ».
« Pour les Vietnamiens, c’est une petite chose, mais pour moi, c’est un souvenir inoubliable », a-t-il raconté.
Chaque année, Manabu retourne au Japon deux fois pour rendre visite à ses parents. Voyant leur fils heureux, sa famille ne lui interdit plus de vivre à l'étranger et l'encourage même à trouver une épouse vietnamienne.
« J’ai quitté la police et commencé une nouvelle vie au Vietnam. J’aime profondément ce pays et, si possible, je voudrais y vivre pour toujours », a partagé Manabu.