Le ministère de l’Industrie et du Commerce est en train d’achever la Stratégie de développement des services logistiques du Vietnam pour la période 2025-2035, avec une vision à l’horizon 2045.
L’objectif est de ramener les coûts logistiques à 12–15 % du PIB et d’atteindre une croissance annuelle du secteur de 15 à 20 %.
Parallèlement, la logistique sera intégrée à la Stratégie nationale de croissance verte, avec pour ambition que 30 % des véhicules utilisent une énergie propre et que 80 % des entreprises adoptent la transformation numérique.
Améliorer l’efficacité, réduire les coûts
Évaluant l’état actuel du secteur logistique vietnamien, le Dr Bui Ba Nghiem, expert principal au Département de l’import-export (ministère de l’Industrie et du Commerce), note que la logistique s’est développée rapidement ces dernières années, devenant un secteur de services de plus en plus important pour l’économie nationale. Cependant, ce développement reste freiné par plusieurs limitations.
Bien que le marché logistique se soit élargi, il demeure essentiellement concentré sur le marché intérieur, avec un développement encore inférieur au potentiel et aux avantages comparatifs du pays.
Les infrastructures logistiques sont encore faibles, non harmonisées, dispersées et manquent de connectivité, ce qui freine le développement et engendre des coûts élevés, réduisant ainsi la compétitivité des entreprises vietnamiennes.
En outre, bien que le nombre d’entreprises logistiques ait augmenté, la majorité d'entre elles sont des PME, aux moyens financiers, technologiques et en expérience internationale limités.
Les ressources humaines du secteur sont également à la fois rares et peu qualifiées, avec très peu de formation spécialisée.
![]() |
Photo d'illustration/VOV. |
Pour faire progresser la logistique, selon M. Nghiem, il faut avant tout opérer une percée dans la construction et l’achèvement du cadre juridique afin d’améliorer l’environnement d’investissement et d’affaires, et encourager la participation de tous les acteurs économiques.
Le Vietnam doit aussi renforcer ses investissements dans les infrastructures logistiques modernes et intégrées.
Les entreprises doivent consolider leur coopération, réorganiser leurs structures, promouvoir l’application des technologies, la transformation numérique et écologique, tout en améliorant la qualité des ressources humaines et des services.
L’expérience de LEX Vietnam
D’après Pham Nguyen Thanh Quang, directeur de LEX Vietnam (anciennement Lazada Logistics), à l’ère 4.0, la logistique est devenue un secteur de services technologiques de pointe.
LEX Vietnam applique diverses technologies avancées, telles que l’intelligence artificielle (IA), le Big Data, les capteurs IoT ou les systèmes de gestion des chaînes d’approvisionnement pour automatiser les processus et améliorer l’expérience client.
L’IA est intégrée à toutes les étapes : prévision des commandes, optimisation des itinéraires de livraison, coordination des entrepôts, analyse du comportement des consommateurs.
Grâce à l’IA et au Big Data, LEX Vietnam a développé des modèles de prévision en temps réel, permettant de mobiliser efficacement les ressources en période de pic ou lors de grandes campagnes promotionnelles.
Son entrepôt intelligent dans le centre de tri automatique de Binh Duong est automatisé à 99 % avec les technologies les plus récentes, garantissant un service de livraison rapide et fiable.
Ces nouvelles technologies, centrées sur l’IA, le Big Data et l’apprentissage automatique, ont donné naissance à de nouveaux modèles commerciaux, tels que la livraison instantanée ou programmée.
La transformation numérique permet aussi aux entreprises logistiques d’accélérer le traitement des commandes, de réduire les erreurs, d’optimiser les délais de livraison, d’accroître la productivité et de diminuer les coûts.
« Les entreprises logistiques vietnamiennes doivent investir davantage dans la technologie et développer les ressources humaines spécialisées en logistique numérique, en partenariat avec les établissements de formation », recommande M. Quang.
Intégrer le transport multimodal
Soulignant que le verdissement est une tendance mondiale irréversible et une condition indispensable à l’intégration internationale, Cap Trong Cuong, directeur général de la société par actions Macstar Group, affirme que la logistique verte est aujourd’hui une question vitale pour les entreprises vietnamiennes, notamment dans le transport, les ports et les entrepôts, qui doivent engager leur transition écologique sans attendre pour ne pas être exclues des chaînes d’approvisionnement mondiales.
![]() |
Le transport fluvial est un atout du Vietnam avec ses nombreux cours d’eau et son long littoral. Photo : Vneconomy. |
Toutefois, les défis sont nombreux: le cadre juridique, les normes, les règlements et les mécanismes incitatifs pour la transition verte restent flous.
Par ailleurs, les entreprises vietnamiennes manquent souvent de capitaux pour investir dans des technologies ou véhicules écologiques, de solutions concrètes et surtout de ressources humaines compétentes, les experts en émissions ou technologies environnementales étant rares.
Il est donc nécessaire que l’État élabore un ensemble de critères nationaux pour la logistique verte et mette en place des politiques incitatives, telles que des crédits verts ou des réductions fiscales.
M. Cuong suggère également de miser sur le transport fluvial, un atout du Vietnam avec ses nombreux cours d’eau et son long littoral, offrant un fort potentiel pour le développement du transport côtier et intérieur.
Le fluvial permettrait de désengorger les routes et d’optimiser les coûts, en particulier pour les conteneurs et les marchandises lourdes. Selon Macstar, il permettrait aussi de réduire les émissions jusqu’à 70 % par rapport au transport routier.
Truong Thi Mui, directrice adjointe de la société Bac Giang International Logistics, estime que le transport routier représente actuellement 70 à 75 % des flux logistiques au Vietnam, ce qui entraîne des coûts élevés et rend le système vulnérable aux variations du prix du carburant ou aux embouteillages.
D’autres modes de transport, tels que ferroviaire ou fluvial, restent sous-exploités en raison du manque de connexions, d’une planification fragmentée et de technologies obsolètes.
Par exemple, la région du nord du pays dispose d’un fort potentiel de connexion entre routes, fleuves et voies ferrées, mais ces modes restent encore isolés.
L’intégration du transport multimodal avec des entrepôts intelligents et des chaînes d’approvisionnement en plusieurs couches permettrait de réduire de 10 à 15 % les coûts logistiques dans des secteurs clés, comme l’e-commerce, le textile ou l’électronique.
Le centre logistique international de Bac Giang développe actuellement un axe interrégional basé sur le transport multimodal. Il est déjà connecté aux principales autoroutes Hanoi–Bac Giang–Lang Son et a lancé un service logistique complet reliant Nanning (Chine) à la gare de Yen Vien (Hanoi), avec un point de transit à la gare de Kep (Bac Giang).
Cependant, les infrastructures ferroviaires de la gare de Kep ne répondent pas encore aux normes d’un service ferroviaire réellement compétitif. En parallèle, des études sont en cours pour intégrer les ports fluviaux sur les rivières Cau, Thuong et Luc Nam afin de créer un corridor logistique combinant voie fluviale, route et rail, ouvrant de nouvelles perspectives pour les chaînes d’approvisionnement interprovinciales et transfrontalières.
Mme Mui appelle l’État à accorder une priorité d’investissement au transport ferroviaire et fluvial. Les entreprises souhaitent également pouvoir participer à ces projets de manière structurée, avec l’appui des autorités, afin de bâtir un système logistique multimodal moderne, au service du développement global du secteur.
Avec l’accompagnement du gouvernement, des ministères, des collectivités locales et du tissu entrepreneurial, le Vietnam a tous les atouts pour bâtir un système logistique vert, intelligent et interconnecté, capable de propulser sa compétitivité nationale dans la nouvelle ère.