Aube sur le Cong Troi d’An Toàn, entre forêt primitive verdoyante et toits de tuiles rouges. Photo : tuoitre.
Aube sur le Cong Troi d’An Toàn, entre forêt primitive verdoyante et toits de tuiles rouges. Photo : tuoitre.

Cong Troi, là où s’éveille le parfum de la cannelle

Au sommet du Cong Troi (Col du Ciel), dans la commune d’An Toan, province de Gia Lai (dans les Hauts Plateaux du Centre du Vietnam), à près de 800 mètres d’altitude, la brume recouvre les montagnes toute l’année. Le parfum de la cannelle, qui semblait s'être endormi dans la vaste forêt, s'éveille peu à peu.

Dans ce lieu que l’on croirait séparé du monde, un jeune couple, Vo Minh Mo et Dinh Le Tuan Anh, a choisi de ressusciter le métier traditionnel de la cannelle héritée de leurs ancêtres, offrant ainsi un nouveau moyen de subsistance aux habitants locaux et une perspective pour l’avenir de ce métier.

Le parfum de la cannelle, qui semblait s'être endormi dans la vaste forêt, s'éveille peu à peu. Pour les habitants d'ici, la cannelle était autrefois une culture oubliée. On craignait que la récolte soit longue et son prix bas, ce qui faisait que personne ne s'y intéressait.

Dinh Ram, un homme d’ethnie Bahnar du hameau 1, se souvient : « Autrefois, la vie était si dure ici que personne ne voulait s’y consacrer. Il fallait attendre de quinze à vingt ans avant de pouvoir exploiter un arbre de cannelle. Les gens préféraient planter du manioc de haute productivité, qu’on récolte tous les deux ans. »

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La cannelle était autrefois une culture oubliée des habitants de la commune d'An Toan. Photo : VOV.

Le témoignage de Dinh Ram reflète la réalité de nombreuses familles : découragées, elles ont abandonné la culture et parfois même arraché les canneliers pour planter du manioc.

Mais qui donc allait réveiller le parfum oublié de la cannelle dans ces montagnes ?

Au milieu des plantations négligées, Vo Minh Mo, une pharmacienne, a décidé de revenir. Avec son mari Dinh Le Tuan Anh, issu de l’ethnie H’Re, ils ont fondé en 2022 la Coopérative des plantes médicinales et services An Lao, implantée au hameau 2, commune d’An Toan, province de Gia Lai, afin de relancer ce métier ancestral.

Là où il n’y a ni réseau téléphonique, ni wifi, ni eau courante, le couple a choisi de s’ancrer dans la forêt et d’y bâtir son avenir autour de la cannelle.

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Dinh Le Tuan Anh explique aux gens comment éplucher correctement la cannelle. Photo : VOV.

« Issu d’une ethnie, je sais que, si je m’engage, les habitants me feront confiance. Pour l’instant, je fais tout moi-même. Il faut que je sois le premier ; ainsi, les autres suivront. Notre coopérative s’appuie sur les Bahnar locaux pour créer des revenus supplémentaires à la communauté », explique Tuan Anh.

En abandonnant un emploi stable, lui et sa femme ont rallumé la flamme du métier de leurs ancêtres. Leur volonté ne vise pas seulement à préserver un métier ancestral, mais aussi à protéger la forêt et à maintenir les habitants sur leur terre.

Au hameau 2, Dinh Thi Nu se rappelle bien le changement : « Avant, un kilo de cannelle se vendait 2 000 dongs, et encore, c’était difficile de trouver les acheteurs. Aujourd’hui, elle a de la valeur, les gens la conservent et en plantent davantage. Maintenant, nous pouvons tout exploiter, et les gens en prennent aussi les feuilles. »

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La joie est revenue lorsque les habitants d’An Toan ont constaté le changement positif de leur vie apporté grâce à la cannelle. Photo : VOV.

Au-delà des Bahnar, les femmes Kinh venues se marier, comme Mme Ha Thi Hoan ont également trouvé un nouveau moyen de subsistance.

« Depuis que la Coopérative est fondée, je constate qu'en général, tout peut être vendu ici, de la feuille à la tranche d'écorce de cannelle. Les affaires de la Coopérative sont bien meilleures qu'avant », se réjouit-elle.

La confiance est revenue et le parfum de la cannelle a commencé à se répandre. Ce changement est non seulement visible dans chaque foyer et chaque plantation de cannelle, mais il est aussi reconnu par les autorités locales.

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Les produits de la Coopérative An Lao à base de cannelle portent désormais le label OCOP. Photo : VOV.

Nguyen Van Van, vice-président du Comité populaire de la commune d’An Toan, a fait savoir : « Actuellement, la superficie de cannelle de la commune atteint environ 40 hectares. Autrefois, la commercialisation était instable. Depuis la création de la Coopérative An Lao, les villageois peuvent écouler leur production ; certains produits ont même obtenu le label OCOP, ce qui réjouit la population ».

« Nous allons continuer à accompagner la Coopérative dans la collecte et la transformation des produits afin de les introduire sur des marchés plus vastes, y compris à l’étranger. Nous prévoyons d’étendre les plantations à 50 voire 70 hectares », a-t-il ajouté.

La Coopérative n’existe que depuis 2022, mais elle porte une ambition immense. Et ce rêve, Mo et son mari lui ont donné un nom particulier : « B’re ».

« C’est la combinaison des mots Bahnar et H’Re, symbole de fraternité entre ces deux communautés vivant sur cette terre. C’est un mot qui a beaucoup de sens pour moi, alors je l’ai intégré à mon nom. Partout où je vais, je me présente comme Mo B’re, avec le souhait de porter le parfum de la cannelle de mon ethnie au loin », confie-t-elle.

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Vo Minh Mo emballe méticuleusement chaque sachet de cannelle et espère que le parfum de sa terre natale se répandra toujours plus loin. Photo : VOV.

B’re n’est pas seulement une marque : c’est aussi un serment de préserver la forêt, de sauvegarder un métier et de renforcer les liens fraternels entre les communautés des montagnes d’An Toan.

Grâce à la détermination de Mo et Tuan Anh, grâce à leurs gouttes de sueur versées au cœur de la jungle, le parfum de la cannelle du Cong Troi s’est enfin éveillé.

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