Dans le village de Son Dông, situé à une vingtaine de kilomètres du centre-ville, les odeurs de bois et de vernis embaument l’air, au rythme des coups de marteau et du crissement des rabots provenant des ateliers de production disséminés dans les ruelles. La plupart des habitants exercent la sculpture sur bois, ce qui leur permet d’avoir une vie assez confortable.
Cet artisanat fut initié dans ce village par le maître Dào Truc il y a un millénaire, là où le bouddhisme connaissait une grande prospérité au Vietnam.
Au fil du temps, le savoir-faire des artisans de Son Dông a été largement reconnu, notamment grâce à leurs techniques de laquage et de dorure.
Leurs produits, bien prisés partout dans le pays, sont donc omniprésents dans plusieurs vestiges sacrés, tels que les pagodes Tây Phuong et Ky Dà, le Temple de la Littérature (Quôc Tu Giam), etc.
Outre de majestueuses statues de bouddha, les villageois créent aussi des autels et des sentences parallèles.
Durant la période ô combien difficile des années de guerre, ce métier a failli disparaître, avant de renaître de manière impressionnante en 1983 grâce aux efforts des maîtres artisans Nguyên Chi Dâu et Nguyên Duc Cuong.
De nos jours, la nouvelle génération de Son Dông s’acharne à valoriser ce trésor hérité de ses ancêtres.
Donner vie à des bouts de bois
Afin de créer une statue ou un objet de culte de haute qualité, les artisans doivent suivre de nombreuses étapes.
Auparavant, le travail se faisait complètement à la main mais actuellement, les machines facilitent partiellement la fabrication.
Pourtant, “l’expertise humaine” est indispensable afin de “rendre les produits plus raffinés”, selon le sculpteur Nguyên Nhu Hung.
L'artisan Nguyên Nhu Sinh finalise la dorure les bouddhas. Photo : CVN/VNA.
“Dès la réception du modèle désiré par le client, nous faisons une première esquisse sur une pièce de bois, puis nous utilisons la machine pour l’ébauche”, explique l’artisan, les yeux toujours fixés sur le morceau de bois qui se transforme progressivement sous ses mains habiles.
“La machine aide à quelques étapes de découpage mais, c’est l’homme qui doit tout faire”, affirme M. Hung.
“Voici des gouges avec lesquelles nous épannons le produit, puis nous ébauchons les motifs. À Son Dông, nous utilisons le bois de jacquier. Notre spécificité réside dans les motifs subtilement sculptés, comme les oreilles ou le visage des bouddhas, qui donnent à nos sculptures une allure plus naturelle et vivante”, se réjouit l’artisan, sans pour autant s’interrompre.
La sculpture achevée, viennent les étapes du vernissage et de la dorure, qui sont aussi une fierté des artisans de Son Dông.
“J’exerce ce métier depuis une vingtaine d’années. Mon atelier est modeste et je suis spécialisé dans la fabrication des statues”, commente l’artisan Nguyên Thuc Sinh, avant de rappeler les techniques de vernissage originaux de son village.
“Polissons d’abord les statues puis recouvrons-les d’une couche de peinture très particulière. Après séchage, une deuxième couche est nécessaire puis une troisième, jusqu’à ce que la surface soit lisse”, précise l’artisan, en plaisantant : “un travail ennuyeux mais qui n’ennuie jamais les artisans passionnés”, comme lui. Une fois que la peinture est sèche, M. Sinh continue à dorer ses statues avec de la poudre d’or ou d’argent achetée aux alentours de Hanoï.
La dorure est “un travail méticuleux”, afin d’assurer “la longévité de l’apparence dorée”, toujours selon M. Sinh. C’est aussi pour cette passion que les artisans ont bien donné vie aux bois, de sorte qu’ils sont devenus dépositaires de ce savoir-faire ancestral.
Perdurer malgré l’urbanisation galopante
L’escapade à Son Dông ces premiers jours du printemps vous plongera dans une ambiance tranquille, seul le bruit des ciseaux à bois, des gouges et des burins rythmera vos pas.
En effet, à l’approche du Têt, les artisans du village se dispersent dans les provinces avoisinantes afin d’installer les objets de culte et les statues.
“Nous avons reçu des commandes les mois précédents pour qu’à la fin de l’année, nous puissions monter ces pièces chez nos clients. Selon la coutume vietnamienne, c’est à ce moment que l’on arrange ou remplace l’autel des ancêtres”, explique le vice-président du Comité populaire de la commune de Son Dông, Nguyên Trung Hùng, avant d’affirmer avec fierté qu’“actuellement, environ 60% des foyers à Son Dông disposent de leur propre atelier de sculpture”.
Nguyên Van Sên, 20 ans, souhaite avoir son propre atelier de sculpture. Photo : CVN/VNA.
“Le métier est perpétué de génération en génération. La plupart des jeunes apprennent à sculpter avec leurs parents. En outre, nous organisons chaque année des séances de formation artisanale. Comme ça, nous assurons la pérennité de cet héritage”, fait savoir le dirigeant. C’est ainsi l’exemple de Nguyên Van Sên, 20 ans, qui travaille actuellement dans un autre atelier que celui de son père.
“Je m’habitue à tailler le bois depuis petit avec mon père. Mais après le baccalauréat, je veux bien apprendre le métier ailleurs, pour être plus autonome et avoir plus d’expériences”, raconte le jeune homme, en espérant “avoir son propre atelier” plus tard.
“Depuis le rattachement de la province de Hà Tây à Hanoï, nous avons profité de l’urbanisation. Mais les habitants veulent sauvegarder et valoriser leur artisanat”, poursuivit le dirigeant.
“Nous souhaitons construire un centre d’exposition de nos produits, où les visiteurs pourront admirer la quintessence de la sculpture sur bois de notre village”, conclut-il.
Les œuvres de Son Dông ont largement traversé la frontière de la région Nord et se vendent aujourd’hui dans tout le pays.
Certains fabricants ont même commencé à commercialiser leurs produits à l’étranger.
La reconnaissance et la fidélité de la clientèle permettent aux artisans de vivre correctement de leur métier et de préserver un héritage séculaire, en dépit de l’urbanisation galopante qui sévit dans les villages suburbains de Hanoï.