Cet engagement impose à la filière rizicole une transformation profonde de sa pensée et de ses modes de production.
La mise en place de chaînes de production de riz de haute qualité associées à la réduction des émissions permet non seulement d’augmenter la valeur du grain de riz et d’améliorer les revenus des agriculteurs, mais constitue également un facteur clé pour affirmer la qualité du riz vietnamien sur le marché mondial.
Du « volume » à la « qualité »
Selon le ministère de l’Agriculture et de l’Environnement, après deux années de mise en œuvre, le projet de production d’un million d’hectares de riz spécialisé de haute qualité et à faibles émissions dans le delta du Mékong a enregistré des résultats encourageants. Les premiers modèles réussis ouvrent la voie à une transition de la plus grande région rizicole du pays vers une « production verte », avec des coûts de production réduits de 8,2 à 24,2 % par rapport aux méthodes traditionnelles. Sur le plan économique, les rendements ont augmenté de 2,4 à 2,7 % et les revenus des agriculteurs de 12 à 50 %. Sur le plan environnemental, ces modèles permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 2,0 à 12,0 tonnes de CO₂ par hectare par rapport aux pratiques traditionnelles. Récemment, les premiers lots de « riz vert vietnamien à faibles émissions » ont été exportés vers le Japon, marquant le succès concret de ce modèle.
S’appuyant sur ces résultats, le ministère de l’Agriculture et de l’Environnement a officiellement annoncé le Projet de réduction des émissions dans le secteur des cultures pour la période 2025-2035, avec une vision à l’horizon 2050. Selon M. Bùi Xuân Phong, chef du département des Cultures et de la Protection des végétaux (ministère de l’Agriculture et de l’Environnement), l’adoption de ce projet et de son plan d’action marque un tournant majeur pour le secteur. Pour la première fois, la riziculture à faibles émissions est placée au cœur des grands programmes et projets de la filière végétale. Le projet ne vise pas seulement la réduction des émissions, mais encourage également le passage d’une logique de production axée sur les volumes à une approche privilégiant la qualité, l’efficacité et la durabilité.
Un point clé de la mise en œuvre de la riziculture à faibles émissions est l’application pilote du processus de Mesure, Notification et Vérification (MRV) dans la culture du riz de haute qualité à faibles émissions. Le professeur associé, docteur Mai Van Trinh, directeur de l’Institut de l’environnement agricole, explique que la riziculture génère principalement trois types de gaz à effet de serre : le méthane (CH₄), le dioxyde de carbone (CO₂) et le protoxyde d’azote (N₂O), le CH₄ représentant la part la plus importante et ayant un pouvoir de réchauffement global bien supérieur à celui du CO₂.
Les résultats des modèles pilotes montrent que le passage des pratiques traditionnelles à des techniques de riziculture de haute qualité à faibles émissions permet de réduire significativement la quantité de semences et d’engrais azotés utilisés, tout en maintenant des rendements stables.
En particulier, l’application synchronisée de mesures techniques telles que l’alternance d’irrigation inondée et sèche, une gestion raisonnée des engrais et la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires a permis de diminuer de plusieurs tonnes les émissions équivalentes de CO₂ par hectare et par campagne.
En pratique, l’adhésion à des chaînes de production intégrées permet aux agriculteurs non seulement de réduire leurs coûts et d’augmenter leurs bénéfices, mais aussi de sécuriser les débouchés pour leurs produits.
À ce sujet, Nguyen Truong Vuong, représentant de Bayer Vietnam, a partagé son expérience en matière de coopération dans la production de riz de haute qualité à faibles émissions. Depuis la mi-2023, Bayer, en collaboration avec le Centre national de vulgarisation agricole, a signé un partenariat public-privé dans la filière rizicole, notamment à travers la mise en œuvre du projet Bayer ForwardFarming, dont le premier modèle a été déployé à Cần Thơ.
À ce jour, l’entreprise a développé plus de dix modèles, d’une superficie de 3 à 5 hectares chacun, tous ayant donné des résultats positifs, avec une augmentation du bénéfice total de 3 à 6 millions de dôngs par hectare et par modèle.
Déployer à plus grande échelle, de manière contrôlée et efficace
Pour que la production de riz de haute qualité à faibles émissions devienne une tendance dominante, il est nécessaire de mettre en œuvre de manière coordonnée de nombreuses solutions.
Tran Minh Tien, représentant de la société Net Zero Carbon, recommande que l’État continue de perfectionner le cadre institutionnel et les politiques relatives à l’agriculture verte, notamment en élaborant un cadre juridique complet pour la mesure, la certification et la transaction des crédits carbone dans l’agriculture. La clarification des droits et responsabilités des parties prenantes renforcera la confiance et encouragera agriculteurs et entreprises à investir. Il est également nécessaire de renforcer le rôle des coopératives dans l’organisation de la production et la structuration des chaînes de valeur.
Parallèlement, il convient d’intensifier la formation, le conseil technique et le transfert des avancées scientifiques vers les agriculteurs afin de les aider à passer des pratiques traditionnelles à des modes de production modernes et respectueux de l’environnement ; d’encourager les entreprises à s’impliquer davantage dans la chaîne de valeur du riz à travers des partenariats public-privé, afin d’accroître la valeur des produits tout en partageant bénéfices et risques avec les agriculteurs.
Selon M. Bùi Xuân Phong, conformément à la feuille de route, l’année 2026 verra la mise en œuvre préalable de certains modèles pilotes dans les localités afin d’identifier les méthodes et de structurer les plans ; l’extension à grande échelle n’interviendra qu’à partir de 2027.
Pour la mise en œuvre du projet, les étapes prévues pour 2026 s’inscrivent dans la continuité de la période 2024-2025 : les localités doivent d’abord expérimenter avant de généraliser de manière contrôlée, avancer progressivement en privilégiant l’efficacité plutôt que la quantité, et respecter des normes techniques harmonisées, en développant les zones de production selon des chaînes de valeur intégrée afin de faciliter l’exécution.
Toujours selon Bui Xuan Phong, cette démarche constitue une base essentielle pour rehausser la marque du riz vietnamien dans une orientation verte, durable et responsable vis-à-vis de l’environnement.