L’originalité de l’art décoratif du cay neu chez l’ethnie Co Tu

Le cay neu (perche rituelle dressée devant la maison ou dans la cour lors des fêtes traditionnelles) est un symbole culturel sacré qui occupe une place particulière dans la vie spirituelle de l’ethnie Co Tu.

Le cay neu près de la maison Guol, symbole culturel de l’ethnie Co Tu. Photo : NDEL.
Le cay neu près de la maison Guol, symbole culturel de l’ethnie Co Tu. Photo : NDEL.

Il ne constitue pas seulement un lien entre les hommes et le monde des divinités, mais représente également une œuvre d’art populaire, cristallisant la beauté, la créativité et l’identité culturelle des Co Tu.

Le cay neu — l’âme des fêtes traditionnelles

Le cay neu est généralement érigé lors des grandes fêtes traditionnelles, telles que la fête de remerciement aux divinités (Po rih), la fête du nouveau jeune riz (Cha ha roo tamee), la fête d’ouverture de la saison agricole, la fête de fondation d’un nouveau village (Po rah dh’dhang), ou encore le festival de début d’année pour remercier la forêt…

En particulier, la fête du nouveau jeune riz a lieu généralement au douzième mois lunaire. Il s’agit de l’un des plus grands rituels, organisés à l’échelle du village et durant plusieurs jours et nuits.

À cette occasion, autour du cay neu majestueux, les rituels de culte solennels, les danses et chants envoûtants, les jeux traditionnels animés et les banquets de ruou can (alcool de riz fermenté bu à l’aide de longues pailles de bambou, en jarre collective) créent un espace festif riche en identité culturelle, captivant tous les regards.

Au Village culturel et touristique des ethnies du Vietnam, l’artiste Bh'riu Po (du hameau Aroh, commune de Lang, district de Tay Giang, province de Quang Nam) a insufflé une âme vivante à chaque trait de la culture Co Tu.

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L’artiste Bh'riu Po (du hameau Aroh, commune de Lang, district de Tay Giang, province de Quang Nam). Photo : NDEL.

Il partage le sens du cay neu : dans l’espace de vie des Co Tu, le cây nêu est l’âme de la fête. Chaque motif sculpté, chaque fil attaché, chaque épi de riz suspendu à l’arbre rituel porte les prières sincères des villageois adressées aux divinités. La décoration du cay neu n’est pas seulement esthétique ; elle reflète aussi les vœux des Co Tu envers la forêt sacrée, la terre mère et des récoltes abondantes.

L’art de décorer les maisons Co Tu, appelées cay neu, s’apparente à une fresque qui préserve les récits culturels de cette ethnie. Chaque motif, finement représenté par des artisans chevronnés, incarne porte un message significatif de la vie. Par exemple : la tête de faisan au sommet du cay neu, dressée vers le ciel, symbolise la guidance des divinités, montrant aux hommes le chemin vers ce qui est bon.

Les franges rouges tressées à partir de bambou sauvage souple symbolisent le sang des ancêtres, rappelant les origines et la cohésion communautaire. Les motifs géométriques nets et symétriques — oiseaux, animaux de la forêt, soleil éclatant, œil sacré des divinités, nuages et vents flottants… — ne servent pas uniquement à orner le cay neu ; ils expriment également l’harmonie profonde et l’interconnexion entre l’homme et l’univers.

Les matériaux utilisés pour fabriquer le cay neu sont soigneusement sélectionnés dans la nature montagneuse. Le tronc est taillé dans du bambou lo o ou met, âgé, droit et à longues sections régulières. Une fois écorcé et séché au soleil pour en accroître la durabilité, il est sculpté à la main par des artisans, à l’aide de simples machettes et de petits couteaux.

Les couleurs décoratives sont entièrement extraites de la nature, chacune portant une signification symbolique : le rouge, tiré de l’écorce d’arbres sauvages, représente la vitalité et l’énergie débordante ; le noir, issu du charbon de bois, évoque le sacré et le mystère ; le blanc, obtenu à partir d’argile, incarne la pureté et la clarté ; enfin, le jaune-brun, extrait de la terre basaltique rouge et de l’écorce en décomposition, symbolise la prospérité, l’abondance et la plénitude.

Le cay neu – pilier spirituel de la communauté

Bien plus qu’un simple objet rituel, le cay neu est un symbole de croyance collective. Il est érigé au centre de la cour du village, là où se dresse la maison Guol majestueuse, où crépite le grand feu de camp, où résonnent les sons graves des gongs et des tambours, où l’on partage le ruou can (alcool traditionnel bu à la jarre avec des chalumeaux de bambou), et où les vastes clairières accueillent les danses Tung tung da dá pleines de grâce.

Le cay neu devient alors le cœur battant du village – un axe sacré reliant les vivants à leurs ancêtres et à l’univers.

Le moment où le cay neu est dressé marque l’ouverture officielle des festivités, signalant la présence sacrée des divinités et inaugurant des jours de célébrations solennelles et joyeuses. Après la fête, le cay neu est souvent conservé comme un symbole sacré, signifiant que les esprits bienveillants demeurent auprès du village pour le protéger et le bénir.

À la « Maison commune » des 54 ethnies du Vietnam, située à Dong Mo (Son Tay, Hanoï), le cay neu des Co Tu est régulièrement présent lors des grands événements culturels.

Les danses Tung tung da dá, gracieuses et souples, les cérémonies solennelles en hommage aux esprits de la forêt, les performances vibrantes de gongs autour du cây nêu… apportent non seulement l’écho majestueux des montagnes, mais servent aussi de passerelle vivante, rapprochant la culture Co Tu du grand public et des amis internationaux. Ces expériences immersives ravivent l’amour et la fierté pour le patrimoine culturel national chez les jeunes générations.

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La danse Tung tung da dá, résonnant sous le toit traditionnel de la maison Guol des Co Tu, s’élève telle une épopée vivante, reliant l’homme à la terre et au ciel, tout en préservant l’âme sacrée de la culture Co Tu. Photo : NDEL.

Aujourd’hui encore, l’art de décorer le cay neu continue de rayonner dans la vie festive des Co Tu, notamment dans les districts de Nam Giang, Tay Giang et Dong Giang (province de Quang Nam). Porteur d’une profonde dimension spirituelle, le cay neu est également un emblème culturel distinctif, incarnant la fierté collective et enrichissant le trésor inestimable du patrimoine culturel vietnamien.

La valorisation de l’identité culturelle des peuples

Au sein du courant continu de la culture nationale, les valeurs traditionnelles, telles que l’art ornemental du cay neu chez l’ethnie Co Tu, incarnent de manière vivante l’authenticité et la pureté de l’identité culturelle traditionnelle.

La Résolution du 5ᵉ Plénum du Comité central du Parti du XIIIᵉ mandat a réaffirmé le rôle fondamental de la culture en tant que socle spirituel de la société, à la fois objectif et moteur essentiel du développement durable du pays. La culture vietnamienne y est définie comme unifiée dans ses idéaux, ses objectifs et ses racines ethniques, tout en restant richement diverse dans la multiplicité des expressions culturelles des 54 ethnies fraternelles.

Aux côtés des 53 autres ethnies, l’ethnie Co Tu contribue activement à l’édification d’une culture vietnamienne moderne et profondément enracinée, où chaque patrimoine ethnique est préservé, valorisé et transmis, tout en enrichissant la mosaïque identitaire commune du peuple vietnamien.

La préservation et la promotion des valeurs traditionnelles — notamment à travers le cay neu — ne représentent pas uniquement la sauvegarde de l’âme culturelle des Co Tu dans la province de Quang Nam, mais constituent également une contribution majeure à la construction d’une culture vietnamienne empreinte d’identité, d’humanisme et de pérennité.

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