Le journaliste de Hà Nội Mới a échangé avec Dao Manh Tri, directeur exécutif du Centre de recherche en économie environnementale et changement climatique (CECCS - VUSTA), formé aux États-Unis où il avait acquis des expertises dans le domaine énergétique, pour éclairer la transition vietnamienne.
« La transition n’est durable que si elle est équitable »
Consultant technique sur un projet géothermique à Cascade, petite ville de l’Idaho, aux États-Unis, Dao Manh Tri a vu de près la difficulté d’une communauté isolée de 2.800 habitants, aux ressources limitées, confrontée à un défi coûteux. « L’exploitation géothermique requiert des moyens financiers et un haut niveau d’expertise », souligne-t-il.
Son équipe a choisi d’impliquer directement autorités locales, agences fédérales et surtout citoyens. « Une fois les bénéfices visibles, les habitants se sont engagés aux côtés du projet », raconte-t-il. Soutenue par un financement initial du gouvernement, la ville a réussi à mobiliser près de 11 millions de dollars.

Le projet a remporté la deuxième place au concours géothermique du Département de l’énergie américain. « Mais la vraie victoire a été de garantir aux habitants une énergie abondante et stable, pour passer l’hiver et développer leur économie », confie l’expert. Une expérience qui lui a enseigné que la transition énergétique doit rester juste et inclusive : « Ne laisser personne de côté ».
Une stratégie nationale claire, mais exigeante
Interrogé sur la voie vietnamienne, l’expert renvoie à la résolution 55-NQ/TW, adopté en 2020 par le Bureau politique, qui fixe l’orientation stratégique jusqu’en 2045. « La sécurité énergétique nationale est définie comme le socle du développement socio-économique », rappelle-t-il.
Le texte insiste sur la priorité aux énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et la protection de l’environnement. Pour Dao Manh Tri, il s’agit d’un véritable choix existentiel : « C’est une question de survie : exister et se développer ou disparaître ».
Le Vietnam, dit-il, se trouve devant une « fenêtre d’opportunité » grâce à l’expérience accumulée et au soutien international. Mais la transformation ne doit pas céder au suivisme ni au « mouvement de masse » : elle doit être adaptée à chaque territoire, économiquement viable et durable.
Ayant présenté ses recherches à Princeton, au MIT ou encore à l’Université Tsinghua, Dao Manh Tri met en garde contre une application mécanique des modèles étrangers. « Il faut sélectionner, adapter, internaliser l’expérience internationale », insiste-t-il.
De ses observations à l’étranger, il retient des piliers : des politiques prospectives assorties de financements concrets, une infrastructure adaptée aux nouvelles technologies (véhicules électriques, centres de données, énergies décentralisées), une coopération public-privé forte dans l’éducation pour former ingénieurs et experts, etc.
Les priorités immédiates du Vietnam
Pour l’avenir proche, Dao Manh Tri plaide pour une diversification des sources électriques (éolien offshore, solaire, petite hydraulique, biomasse) afin de réduire la dépendance et valoriser les atouts régionaux ; renforcer le réseau de transmission, véritable « colonne vertébrale » du système : projets stratégiques, numérisation, réduction des pertes ; mettre en place des mécanismes économiques efficaces, comme le marché carbone ou l’achat direct d’électricité verte par les grandes entreprises ; investir dans les compétences et les données : modélisation, analyse en temps réel, coopération entre État, entreprises et universités.
« Le Vietnam dispose d’une jeunesse talentueuse. Donnons-leur de vrais défis, les bons outils et des mentors compétents : ils sauront maîtriser la connaissance sur leur propre sol », affirme-t-il.
Et de conclure : « L’indépendance énergétique et l’intégration internationale doivent avancer ensemble. C’est à cette condition que le Vietnam deviendra non seulement un “atelier du monde”, mais un atelier vert ».