Vice-président du FIDA : L'autonomisation des agriculteurs est la clé pour une agriculture durable

Le vice-président du Fonds international de développement agricole (FIDA), Donal Brown, a accordé une interview à la presse vietnamienne en marge du Sommet du Forum de partenariat pour la croissance verte et les objectifs mondiaux (P4G), qui s'est tenu du 14 au 17 avril à Hanoï.
Le vice-président du Fonds international de développement agricole (FIDA), Donal Brown. Photo: baoquocte
Le vice-président du Fonds international de développement agricole (FIDA), Donal Brown. Photo: baoquocte

Journaliste : Monsieur le vice-président, dans un contexte mondial où la transition écologique est accélérée et que les systèmes alimentaires durables sont formés, comment évaluez-vous le rôle et la signification du Sommet P4G 2025 pour le FIDA, ainsi que les attentes de l'organisation quant à sa participation à cet important événement ?

M. Donal Brown : La participation au Sommet P4G 2025 témoigne de l'engagement mondial du FIDA en faveur de la construction de systèmes alimentaires durables et inclusifs. Le Vietnam, en tant que pays pionnier dans la transformation rurale et l'innovation agricole dans la région, est un modèle de réussite dont on peut s'inspirer.

Le Sommet est un forum important pour célébrer les réalisations du Vietnam en matière de transition écologique, partager des expériences et coopérer avec les gouvernements, les partenaires du secteur privé et la société civile afin de créer ensemble des solutions durables.

C'est également l'occasion d'attirer l'attention de la communauté internationale sur les besoins et l'énorme potentiel des communautés rurales, non seulement au Vietnam, mais aussi dans les pays en développement du monde entier.

En ce qui concerne le FIDA, l'une de nos initiatives clés dans ce beau pays en forme d’un S est le Projet de soutien au développement économique des petits exploitants agricoles (CSSP) dans les régions du Centre et des montagnes du Nord du Vietnam.

Ce projet autonomise les coopératives locales en adoptant des méthodes agricoles innovantes, qui aident non seulement les agriculteurs à accroître leur productivité, mais établissent également des liens plus étroits avec les acheteurs, augmentant ainsi leurs revenus et leur résilience face aux aléas.

Une autre initiative importante est le Projet d'adaptation au changement climatique dans le delta du Mékong, avec un modèle pionnier intégrant l'aquaculture à la riziculture.

Je pense que cette approche moderne a permis d'augmenter la production alimentaire et d'accroître les revenus des ménages jusqu'à 30 %, contribuant ainsi à améliorer la sécurité alimentaire dans l'une des régions les plus vulnérables au changement climatique au Vietnam.

Nous développons également de nombreuses nouvelles initiatives dans les régions côtières du Centre et les Hauts Plateaux du Centre (Tây Nguyên), en nous concentrant sur le renforcement des chaînes de valeur et l'amélioration de la résilience au changement climatique des communautés confrontées à des risques environnementaux croissants.

En particulier, nous sommes sur le point de lancer le Projet de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans la région du Tây Nguyên et la région du Nam Trung Bô (Centre méridional) du Vietnam afin de contribuer à la réalisation des objectifs du programme d'action national (RECAF). Il s'agit d'un projet transformationnel qui devrait bénéficier directement à environ 100 000 petits exploitants agricoles, en autonomisant les groupes ethniques minoritaires, les femmes et les jeunes.

RECAF s'attaquera simultanément aux défis climatiques urgents et ouvrira des opportunités économiques aux groupes vulnérables, contribuant ainsi à accroître la productivité agricole, à améliorer la sécurité alimentaire, à rehausser les moyens de subsistance ruraux et à préserver les forêts.

Prévu pour un lancement officiel en juin 2025, RECAF marque une avancée importante dans le développement rural durable. On peut dire que ce projet est tout à fait conforme aux Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, à savoir :

Objectif 1 : (Élimination de la pauvreté) grâce à l'augmentation des revenus des ménages ;

Objectif 2 : (Zéro famine) grâce à l'adoption de méthodes agricoles durables ;

Objectif 13 : (Action climatique) en promouvant une agriculture respectueuse de l'environnement et l'adaptation au climat.

Journaliste : Monsieur, comment le FIDA perçoit-il le rôle des partenariats public-privé (PPP) dans le processus de transformation des systèmes alimentaires, en particulier dans les pays en voie de développement comme le Vietnam ? Par ailleurs, comment a-t-elle soutenu les communautés rurales au Vietnam pour s'assurer que les agriculteurs puissent aborder l'avenir avec une technologie, un accès au marché et une résilience accrue ?

M. Donal Brown : Pour moi, les partenariats public-privé jouent un rôle essentiel dans la transformation des systèmes alimentaires. Alors que le secteur public fournit le cadre politique et institutionnel, le secteur privé apporte innovation, investissement et capacité de mise à l'échelle.

Au Vietnam, nous avons vu et continuons de voir de nombreux modèles de coopération prometteurs, où les partenaires public-privé aident les petits exploitants agricoles à accéder au financement, à adopter de nouvelles technologies et à participer aux chaînes de valeur. Ces modèles contribuent à construire des systèmes alimentaires inclusifs, efficaces et durables - de la ferme à l'assiette - tout en s'attaquant à des problèmes clés tels que la résilience climatique, la productivité et l'accès au marché.

Par ailleurs, le FIDA entretient une coopération de longue date avec le Vietnam et notre priorité a toujours été d'autonomiser les communautés rurales, en particulier les femmes, les jeunes et les minorités ethniques.

Concrètement, nous avons soutenu les coopératives pour faciliter l'accès des populations aux marchés, promouvoir la finance inclusive et introduire de nombreux outils numériques qui aident les agriculteurs à accéder aux données météorologiques en temps réel, aux informations sur les prix et aux conseils agricoles. Je crois que ces outils les aident à prendre des décisions plus éclairées, à réduire les risques et à augmenter leurs bénéfices.

De plus, nos programmes de formation, souvent organisés au niveau provincial et local, sont conçus pour promouvoir à la fois les techniques agricoles modernes et les pratiques environnementales durables. En fournissant aux agriculteurs les outils, les connaissances et les technologies appropriés, nous aidons ces communautés à améliorer leur résilience face aux aléas climatiques, à accéder aux marchés et à être plus confiantes dans la construction de leur avenir.

Journaliste : Que pensez-vous du concept d'« innovation » dans l'agriculture moderne - qu'est-ce qui permet à une initiative de faire une réelle différence durable pour les agriculteurs ? De plus, à partir de votre expérience pratique, pouvez-vous partager une histoire concrète pour inspirer les agriculteurs vietnamiens à appliquer audacieusement l'innovation à la production ?

M. Donal Brown : On peut dire que l'innovation dans l'agriculture est un processus d'introduction de nouvelles idées, outils ou méthodes dans ce domaine, soutenant ainsi une production agricole plus efficace, durable et rentable. Ce processus peut inclure des solutions numériques, des variétés de cultures résistantes au climat, des systèmes d'irrigation améliorés et des processus de transformation post-récolte.

Par exemple, l'agriculture de précision - utilisant des données satellitaires ou des applications mobiles pour guider l'irrigation et l'utilisation d'engrais - aide les agriculteurs à augmenter leur productivité tout en économisant des ressources. Ou encore, les plateformes mobiles aident les petits exploitants agricoles à accéder directement aux marchés et à vendre leurs produits à de meilleurs prix.

Auparavant, le 15 avril, je me suis rendu chez des agriculteurs de la province de Bac Kan (au Nord) dans le cadre du CSSP. Là, j'ai vu de mes propres yeux comment les gens accueillaient l'innovation. Avec le soutien du FIDA, ils appliquent de nombreuses initiatives pratiques et rentables, contribuant à accroître la productivité, à renforcer les liens avec le marché et à renforcer la résilience au changement climatique. Je pense que ce sont des exemples frappants de la façon dont l'innovation change réellement la vie dans les zones rurales du Vietnam.

Journaliste : Nous vous remercions de nous accorder cette interview

La 4e édition du Sommet du Partenariat pour la croissance verte et les objectifs mondiaux 2030 (P4G) se tient au Vietnam du 14 au 17 avril 2025.

Ce mécanisme de coopération multilatérale a été initié par le Danemark en 2017 et implique 8 autres pays membres que sont le Vietnam, la République de Corée, l’Éthiopie, le Kenya, la Colombie, les Pays-Bas, l’Indonésie, et l’Afrique du Sud et cinq organisations partenaires que sont l'Institut des ressources mondiales (WRI), l'Institut mondial pour la croissance verte (GGGI), le réseau C40 (C40 Cities), le Forum économique mondial (WEF) et la Société financière internationale (IFC).

Le P4G a organisé trois Sommets sous l'égide du Danemark, de la République de Corée et de la Colombie, dans le but de promouvoir la coopération entre les partenaires publics et privés et de créer une alliance de dirigeants politiques pour mettre en œuvre l'Accord de Paris sur le changement climatique et les objectifs de développement durable à l'horizon 2030.

L'accueil du Sommet de cette année est considérée comme une opportunité pour le Vietnam en général et Hanoï en particulier de promouvoir le tourisme vert, de renforcer les relations avec les partenaires et de mobiliser des ressources pour le développement socioéconomique, la lutte contre le changement climatique et le développement durable du pays.