La langue vietnamienne - une ancre qui relie la diaspora vietnamienne à sa racine

Le vietnamien n’est pas seulement un moyen de communication, mais aussi un lien invisible qui unit les Vietnamiens résidant à l’étranger à leurs racines, les aidant à retrouver leurs souvenirs, leur identité et leur amour pour la patrie au milieu des bouleversements de la vie.

Le voyage de retour aux racines à travers la langue vietnamienne

Jean Baptiste Pham, un Français d’origine vietnamienne, est né et a grandi en France depuis l’âge de quatre ans. À la retraite, il ressentait un vide causé par l’absence du vietnamien dans sa vie.

Il a déclaré : « Je me suis toujours senti perdu, ne sachant pas vraiment d’où je venais. Pourquoi, en tant que Vietnamien, je ne parle pas le vietnamien, je ne comprends pas la culture vietnamienne ? ». Cette question l’a poussé à en apprendre plus sur le Vietnam pour revenir à ses origines.

Après avoir suivi le cours de vietnamien « Passerelle vers le Vietnam », Jean Baptiste Pham est désormais capable de lire, écrire et parler le vietnamien. Capture d’écran : Minh Thai.

Après avoir suivi le cours de vietnamien « Passerelle vers le Vietnam », Jean Baptiste Pham est désormais capable de lire, écrire et parler le vietnamien. Capture d’écran : Minh Thai.

Désireux de retrouver ses racines, Jean Baptiste Pham a rejoint le cours « Passerelle vers le Vietnam ». Ce programme n’offre pas seulement des connaissances sur l’histoire, l’économie et la culture vietnamiennes, mais permet aussi aux apprenants de se familiariser avec la langue et d’améliorer leurs compétences en vietnamien.

Les étudiants de ce programme sont très variés, âgés de 18 à 80 ans, qu’ils soient des enfants de familles vietnamiennes d’outre-mer ou des Français ayant un lien particulier avec le Vietnam.

Le programme a été fondé par le professeur Pierre Journoud de l’Université Paul Valéry Montpellier 3, qui est attaché au Vietnam depuis 1997. Père d’un fils franco-vietnamien, le professeur Pierre Journoud et son épouse, la docteure Nguyen Thanh Hoa, professeure de vietnamien à l’Université Paul Valéry Montpellier 3, ressentent profondément le désir de la communauté vietnamienne en France de préserver la culture de leur pays d’origine. La langue vietnamienne est cette ancre qui les relie à leurs racines.

En près de six ans, plus de 100 étudiants ont obtenu leur diplôme de ce cours. Beaucoup d’entre eux ont poursuivi des études sur le Vietnam, amélioré leur niveau de vietnamien et voyagé ou travaillé au Vietnam.

Pour Jean Baptiste Pham, ce cours lui a permis de passer de l’incapacité de parler vietnamien à la lecture, l’écriture et la conversation dans la langue de ses ancêtres. Le premier jour où il a pu exprimer ses pensées en vietnamien, il s’est senti comme s’il avait retrouvé une pièce manquante de sa vie qu’il avait longtemps perdue.

« Je ne suis plus un simple touriste au Vietnam ! Je peux rendre visite à des familles, en apprendre davantage sur la vie et la culture vietnamiennes. Le plus fascinant est de vivre avec une famille vietnamienne et de s’intégrer à la nation à travers la langue. Ce programme m’a véritablement permis de me sentir vietnamien », a-t-il confié à la télévision.

Aujourd’hui, maîtrisant le vietnamien, chaque voyage au Vietnam pour participer à des activités de volontariat ou aider à l’enseignement est devenu une expérience qu’il attend avec impatience.

Réapprendre le vietnamien à l’âge de 47 ans

Doan Bui est la fille d’un étudiant vietnamien qui a émigré en France dans les années 1970. Elle est née et a grandi au Mans, à environ 200 km de Paris. Dès son enfance, elle a eu peu d’occasions de parler le vietnamien, sauf lors de conversations familiales. Le vietnamien a peu à peu disparu de sa vie quotidienne à mesure que sa famille s’intégrait à la société française.

La journaliste Doan Bui. Capture d’écran : Minh Thai.

La journaliste Doan Bui. Capture d’écran : Minh Thai.

Après plus de 40 ans sans parler un mot de vietnamien, un événement familial a poussé Doan Bui à retrouver sa langue maternelle. Son père a été victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) et a perdu sa capacité de communication. Elle a senti que la relation avec son père s’éloignait peu à peu.

« Je sentais que je ne connaissais rien de mes racines. J’avais honte d’avoir perdu mes origines. Je ne parlais plus la langue maternelle et je me sentais bloquée dans mes efforts pour réapprendre le vietnamien. Bien que mon père ne puisse plus parler, il semblait comprendre davantage quand je m’exprimais en vietnamien. C’est ce qui m’a motivée à réapprendre le vietnamien. »

À 47 ans, Doan Bui a commencé son voyage pour retrouver sa langue maternelle. Pour elle, cet apprentissage n’était pas seulement une récupération linguistique, mais aussi la redécouverte d’une partie de ses souvenirs et de ses racines oubliées. En plus des cours avec un enseignant, elle a appris par elle-même grâce à des podcasts et au rap vietnamien.

« J’écoute beaucoup de rap vietnamien, comme « Tài sản của bố » (Le trésor du père) du rappeur ICD ou « Mang tiền về cho mẹ » (Apporter de l’argent à la mère) de Den Vau. Ce qui est intéressant, c’est qu’en France, aucun rappeur n’a encore écrit sur la piété filiale de cette manière, donc je trouve cela très spécial », a indiqué Doan Bui dans la presse.

Pour Doan Bui, le vietnamien est comme un trésor caché dans son inconscient, où chaque mot ne sert pas seulement à communiquer, mais porte aussi des souvenirs, de la fierté et de l’amour pour sa patrie. Retrouver ce trésor la touche profondément et lui permet de se reconnecter avec elle-même.

« Le vietnamien me rappelle mon enfance, les berceuses de ma grand-mère et de ma mère, me faisant revivre la chaleur familiale », a-t-elle déclaré dans une émission télévisée en 2023.

Le voyage pour réapprendre le vietnamien n’a pas seulement aidé Doan Bui à renouer avec sa famille, il lui a aussi permis de redécouvrir son identité personnelle. « Il y a deux ans, je ne pouvais pas prononcer un mot de vietnamien, mais maintenant je peux parler avec mon père, avec ma famille. Ce voyage pour retrouver ma langue maternelle m’a profondément transformée. »

En plus d’être une plume renommée pour l’hebdomadaire L’Obs, Doan Bui est également l’auteure de l’autobiographie Le silence de mon père, qui raconte l’histoire de son père après son AVC et la perte de sa capacité à parler. Ce livre lui a valu plusieurs prix prestigieux, dont le prix Amerigo-Vespucci et le prix littéraire Porte Dorée en 2016.

L’histoire de Jean Baptiste Pham et de la journaliste Doan Bui montre que, pour les Vietnamiens d’outre-mer, le vietnamien n’est pas seulement un outil de communication, mais un phare qui guide le retour aux racines. À tout âge, réapprendre sa langue maternelle ne ravive pas seulement des souvenirs, mais aide également à se redécouvrir et à renforcer l’amour pour sa famille et sa patrie.