Lors du forum « Transition verte dans un contexte mondial instable », organisé le 10 juin à Hô Chi Minh-Ville, Nguyen Chanh Phuong, vice-président de l’Association de l’artisanat et du traitement du bois de Hô Chi Minh-Ville (HAWA), a souligné une transformation majeure : un secteur autrefois critiqué pour la déforestation devient aujourd’hui un modèle d’économie circulaire grâce au respect des normes de traçabilité et à l’intégration dans le cycle du carbone.
La majorité du bois transformé au Vietnam est importée d’Europe et des États-Unis - deux régions soumises à des politiques strictes de reboisement et d’exportation durable. Depuis 2013, l’Union européenne impose la traçabilité complète, jusqu’aux plus petites parcelles forestières, conformément à la réglementation EUTR.
Le Vietnam dispose d’environ 4 millions d’hectares de forêts plantées sur un total de 14 millions d’hectares, ainsi qu’une importante superficie de bambou, constituant une base solide pour le développement de matériaux biosourcés. Le bois naturel a la capacité de stocker le carbone : si les entreprises peuvent démontrer que le carbone reste captif dans les produits finis, elles peuvent prétendre à un bilan « carbone négatif » - un avantage valorisé dans les critères ESG.
Nguyen Chanh Phuong mentionne l’exemple d’une entreprise ayant investi dès 2019 dans une usine verte de 50 hectares, alimentée à 36 % par des énergies renouvelables. Selon BCI, près de 90 % des émissions liées à la production de bois proviennent de la consommation énergétique, ce qui offre un fort levier de réduction. Cette dynamique ouvre au secteur vietnamien de nouvelles perspectives vers les marchés premium et une meilleure intégration dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Le plastique recyclé en quête de reconnaissance
Le secteur du plastique affiche lui aussi une transition encourageante. Duy Tân Recycling, entreprise vietnamienne pionnière, a su gagner la confiance de grandes multinationales, telles que Coca-Cola, Nestlé ou Unilever, en recyclant efficacement les bouteilles en PET et HDPE. L’entreprise privilégie l’expression « plastique régénéré » afin d’améliorer la perception, notamment pour les emballages alimentaires.
Duy Tân exploite actuellement la plus grande usine de recyclage plastique d’Asie, avec une capacité projetée de 100 000 tonnes par an. En 2024, 49 000 tonnes ont été collectées – soit l’équivalent de 3,8 milliards de bouteilles. Néanmoins, les défis demeurent : le tri à la source est insuffisant, les coûts de traitement restent élevés, et la méfiance des consommateurs envers le plastique recyclé freine encore la demande.
Des politiques publiques en renfort
Pour accompagner ces efforts, Trinh Thi Huong, directrice adjointe du Département du développement des entreprises (relevant du ministère du Plan et de l’Investissement), rappelle que le gouvernement vise 2 millions d’entreprises d’ici 2030, dont au moins deux groupes intégrés dans des chaînes de valeur mondiales. Plusieurs mesures incitatives sont prévues : un taux d’intérêt subventionné de 2 % pour les projets verts, une déduction fiscale à hauteur de 200 % pour les dépenses R&D, et un soutien accru à la formation et au conseil juridique. Ces politiques sont élaborées en concertation avec les acteurs économiques et les intermédiaires, comme l’Association des entreprises vertes.
La Chambre de commerce européenne (EuroCham) estime que le Vietnam est à un tournant stratégique : il dispose de 20 GW d’énergie renouvelable, représentant 27 % de la capacité installée, mais la demande d’électricité continue de croître de 8 à 9 % par an jusqu’en 2030. Des programmes comme le JETP ou Global Gateway de l’UE offrent un appui technique et financier précieux.
Cependant, l’absence de directives claires sur les plafonds d’émission et les crédits carbone complique la tâche des entreprises. EuroCham appelle à une harmonisation des normes selon les standards internationaux. Les initiatives comme le tri des déchets à la source (prévu en 2025) ou la responsabilité élargie des producteurs (EPR) nécessitent également des infrastructures adaptées et des incitations précises pour garantir leur efficacité.