Le Vietnam et son ambition d’une nation maritime forte

Avec plus de 3 260 km de côtes, le Vietnam nourrit depuis des décennies l’ambition de devenir une puissance maritime. Au cœur de cette stratégie, la recherche océanographique joue un rôle déterminant dans l’exploitation durable des ressources marines et la protection de la souveraineté nationale.

Un coin de la plage de Ninh Van, quartier Dong Ninh Hoa, province de Khanh Hoa. Photo : NDEL.
Un coin de la plage de Ninh Van, quartier Dong Ninh Hoa, province de Khanh Hoa. Photo : NDEL.

La science au service de la mer

Le XXIe siècle est désigné comme « le siècle des océans ». Pour le Vietnam, cette réalité se traduit par une vision stratégique affirmée dans la Résolution 36-NQ/TW (2018), qui vise à faire du pays une nation maritime forte, prospère et durable d’ici 2045. L’un des leviers majeurs de cette ambition repose sur le développement scientifique et technologique dans le domaine marin.

Depuis plus d’un siècle, l’Institut d’océanographie de Nha Trang incarne cette volonté de comprendre et de maîtriser la mer. Parmi ses figures emblématiques, le professeur Doan Nhu Hai, spécialiste du phytoplancton, souligne l’importance de ces organismes microscopiques pour l’écosystème marin et pour l’économie halieutique. À travers des recherches de pointe sur les algues toxiques, capables de provoquer des « marées rouges » -, l’Institut a joué un rôle clé dans la réouverture du marché européen aux coquillages vietnamiens à la fin des années 1990.

La stratégie maritime du Vietnam ne peut se concevoir sans une politique ambitieuse de préservation des écosystèmes marins. Récifs coralliens, herbiers marins et mangroves font l’objet d’actions de protection renforcées.

Le professeur associé Nguyen Van Long, expert en conservation marine, a contribué à l’élaboration de la moitié des 16 aires marines protégées que compte le pays. Il milite notamment pour l’intégration des zones de reproduction et d’alevinage dans la planification de ces réserves.

« Il faut préserver les valeurs essentielles tout en acceptant certains compromis pour garantir un équilibre entre conservation et développement », affirme-t-il, en insistant sur la nécessité de restaurer les écosystèmes dégradés.

Le soutien gouvernemental s’est concrétisé par la décision 1539/QĐ-TTg (2024), qui prévoit l’extension des zones protégées pour atteindre 6 % de la surface maritime nationale d’ici 2030. Mais la mise en œuvre reste un défi en raison du manque de personnel qualifié.

Un enjeu de formation et de passion

Le Vietnam ne dispose pas encore d’une formation complète en sciences marines. Les chercheurs de l’Institut d’océanographie, comme la directrice actuelle Dao Viet Ha, sont pour la plupart issus de filières de biologie générale, puis ce sont spécialisés à l’étranger. Cette lacune structurelle freine le renouvellement des effectifs, dans un secteur où les conditions de travail sont exigeantes.

« Sans passion, on ne peut pas faire ce métier », confie le professeur Doan Nhu Hai. « Les jeunes sont peu attirés par ces carrières, alors même que nous avons du retard à rattraper sur le plan international. »

La Résolution 57-NQ/TW (2024) du Bureau Politique, qui vise à faire de la science, de la technologie et de l’innovation un moteur du développement national, pourrait changer la donne. Mais pour les chercheurs, les investissements doivent être pensés sur le long terme, avec une tolérance à l’échec inhérente à toute démarche scientifique.

Dans l’immédiat, l’Institut compte sur les programmes de recrutement de jeunes talents mis en place par l’Académie des sciences et technologies du Vietnam.

Objectif : renforcer les recherches en haute mer, affiner les prévisions halieutiques et climatiques, et développer des solutions concrètes pour les collectivités littorales.

Fidèle à sa mission depuis plus d’un siècle, l’Institut d’océanographie reste un pilier discret mais essentiel de la politique maritime vietnamienne. Grâce à l’engagement de ses chercheurs et à leur passion pour l’océan, il continue de jeter les bases scientifiques d’un avenir marin durable pour le pays.

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