Le village de Phung préserve la flamme de son artisanat traditionnel

Au fil des ans, le siège du Club de tissage de brocart du village de Phung (commune de Bien Ho, ville de Pleiku, province de Gia Lai, dans les Hauts Plateaux du Centre du Vietnam) est devenu un lieu de rencontre prisé des habitants et des touristes, qu’ils soient vietnamiens ou étrangers. Grâce à des initiatives innovantes, les artisans s’efforcent de préserver et de faire rayonner l’art du tissage traditionnel des Gia Rai dans un monde en mutation.
Les visiteurs sont séduits par les créations traditionnelles en brocart du Club de tissage.

Les visiteurs sont séduits par les créations traditionnelles en brocart du Club de tissage.

Un savoir-faire menacé par l’industrialisation

Fierté des habitants de Bien Ho et, plus largement, du peuple Gia Rai, le tissage de brocart est un artisanat ancestral. Cependant, face à la concurrence des textiles industriels produits en masse, aux designs variés et aux prix compétitifs, cet art traditionnel doit relever de nombreux défis pour survivre.

Consciente de ces enjeux, l’artisane Rơ Lan Pel a réuni des femmes tisserandes locales pour fonder, le 17 juin 2022, le Club de tissage de brocart du village de Phung. Avec 23 membres à sa création, cette initiative vise à transmettre l’héritage des aînés aux jeunes générations tout en créant des opportunités d’emploi et d’amélioration des revenus pour les familles. Élue présidente du club, Rơ Lan Pel joue un rôle moteur dans cette dynamique collective.

Un espace de création et de transmission

Pour offrir un lieu d’échange et de valorisation du savoir-faire, Rơ Lan Pel a aménagé sa maison en siège du club. Ce lieu abrite un espace d’exposition où sont présentées des pièces emblématiques réalisées par les membres : vêtements, écharpes, sacs à main, pochettes et coussins. L’élément central de cette salle est un métier à tisser traditionnel Gia Rai, permettant aux visiteurs de découvrir et d’expérimenter directement cette technique artisanale unique.

Contrairement aux métiers fixes utilisés par d’autres ethnies, le métier des Gia Rai est constitué de plusieurs éléments qui ne sont assemblés qu’au moment du tissage, la tisserande occupant une place centrale dans le dispositif. Deux tiges de bambou d’environ 1,20 m sont utilisées : l’une est calée contre le corps de l’artisane, l’autre suspendue en hauteur. Les fils de chaîne sont tendus en boucle fermée sur deux niveaux, séparés par une baguette en bois. L’artisane insère alors le fil de trame et utilise une autre baguette pour presser les fils, garantissant la solidité et la régularité du tissu. Chaque pièce est unique, ornée de motifs créés par l’artisane à partir de fils teintés naturellement.

Allier tradition et tourisme

Au-delà de la transmission artisanale, les membres du club ont su lier leur activité au tourisme. Chaque mois, elles se réunissent au siège du club pour échanger des savoir-faire, perfectionner leurs techniques et partager les joies et difficultés de leur quotidien.

Fait encourageant, les jeunes générations s’impliquent avec enthousiasme. Parmi elles, Rơ Lan Han (née en 1995) et Ngân (née en 1999) se distinguent par leur engagement. Formées par les aînées, elles apprennent avec minutie les gestes du tissage, du filage à la conception de motifs, riches en symboles culturels et spirituels. « Chaque séance m’aide à mieux comprendre la signification des motifs et les récits qu’ils véhiculent », confie Ngân.

Conscient de la nécessité d’adapter cet artisanat aux nouvelles attentes, le club s’oriente vers l’innovation. En collaboration avec les autorités locales, il participe à des expositions et événements culturels pour promouvoir les créations et élargir leur marché.

Parmi ces initiatives figure un défilé de mode mettant en avant les tenues en brocart au sein du site touristique de Bien Ho, attirant l’attention des visiteurs et sensibilisant la jeunesse à la valeur économique et culturelle de cet art. Le tourisme artisanal se développe également, avec des membres du club, comme Rơ Lan Han, qui endossent le rôle de guides pour faire découvrir aux visiteurs la richesse du patrimoine Gia Rai.

Grâce à ces efforts conjugués, le tissage de brocart du village de Phung connaît un renouveau, porté par une nouvelle génération passionnée. Plus qu’une préservation du passé, il s’agit d’un acte de transmission et d’adaptation, permettant à cet artisanat ancestral de continuer à raconter, au fil des motifs et des couleurs, l’histoire du peuple Gia Rai.