Dans un contexte mondial où les normes environnementales se durcissent, l’industrie textile – pilier des exportations vietnamiennes avec plus de 40 milliards USD par an – se trouve à un tournant décisif : se transformer vers une production durable, ou risquer d’être écartée du marché mondial.
Cette problématique a été au centre du forum « Construire une chaîne d’approvisionnement circulaire : la clé pour une industrie textile verte et durable », organisé le 16 octobre par l’Association vietnamienne du coton et du fil (VCOSA).
Lors de cet événement, les intervenants – représentants des autorités, d’associations professionnelles et d’entreprises – ont décodé le parcours de “verdissement” du textile vietnamien : des règles commerciales internationales aux politiques d’accompagnement, jusqu’aux initiatives concrètes dans les usines.
Du cadre réglementaire au marché, des décideurs publics aux entreprises, chaque maillon de la chaîne contribue à tisser le rêve d’une industrie textile vietnamienne verte et durable.
Quand les règles du commerce dessinent le chemin de la transition verte
Selon la cheffe adjointe du Département de la gestion des exportations et importations de Ho Chi Minh-Ville (au Sud du Vietnam) relevant du ministère de l’Industrie et du Commerce, Nguyen Thi Trong Nghia, le Vietnam met actuellement en œuvre 16 accords de libre-échange (ALE).

Les accords de nouvelle génération, tels que l’EVFTA ou le CPTPP, ne se contentent pas d’ouvrir les marchés: ils intègrent des normes environnementales strictes et des règles d’origine rigoureuses.
De son côté, la secrétaire générale adjointe de la VCOSA, Nguyen Thuy Vi estime que si l’exigence de verdissement représente un levier de restructuration, elle révèle aussi les faiblesses du secteur : près de 80 % des plus de 7 000 entreprises sont des PME manquant de capitaux et de technologies.
En outre, le secteur dépend fortement des importations de coton et de fibres (près de 100 %), le rendant vulnérable aux fluctuations climatiques et internationales.
Pour répondre à ces défis, le gouvernement vietnamien a mis en œuvre plusieurs politiques de soutien, notamment la décision n°1643, approuvant la stratégie de développement de l’industrie textile et de la chaussure à l’horizon 2030 et la vision 2035, encourageant l’utilisation de matières premières locales et la création de zones industrielles intégrées.
En parallèle, les banques commerciales proposent des crédits verts destinés aux projets d’économie d’énergie et de production propre.
Les associations professionnelles, comme la VCOSA, organisent régulièrement des formations sur les normes internationales telles que le CBAM, l’ESG et l’économie circulaire, afin d’aider les entreprises à améliorer leurs capacités de conformité.
« Le verdissement n’est pas une condition pour obtenir des commandes, c’est une responsabilité des entreprises au sein de la chaîne de valeur mondiale », a affirmé Mme Vi.
Les entreprises vietnamiennes tissent leur propre chaîne d’approvisionnement verte
Sur le terrain, de nombreuses entreprises vietnamiennes ont su transformer la contrainte verte en avantage concurrentiel.

Selon la directrice commerciale du groupe Scavi, Le Thi Thao Nguyen, l’entreprise développe une stratégie de durabilité selon le modèle des 3P : Production – Personnes – Planète.
Sur le plan industriel, Scavi collabore avec plus de 70 marques mondiales pour concevoir et développer les produits dès les premières étapes, afin de limiter la surproduction et renforcer la traçabilité.
Sur le plan social, l’entreprise investit dans l’éducation tout au long de la vie, avec par exemple l’école maternelle Skavry à Dong Nai, gratuite et certifiée nationale, destinée aux enfants des employés.
Sur le plan environnemental, Scavi a construit deux usines vertes à Hue et Quang Trị, certifiées EDGE Advanced, équipées de systèmes d’énergie renouvelable et de traitement des eaux usées, tout en décentralisant la production pour réduire les émissions liées au transport.
Fait notable, en 2024, Scavi a collaboré avec Decathlon pour lancer un t-shirt “Made in France” à l’occasion des Jeux Olympiques de Paris 2024, illustrant une chaîne d’approvisionnement mondiale redessinée, à la fois rapide, écologique et transparente.
« La durabilité n’est pas un projet isolé ni une campagne de communication : c’est l’ADN même de notre modèle économique. Nous appelons fournisseurs, marques et autorités à coopérer pour faire de l’industrie textile vietnamienne un exemple de responsabilité et d’innovation », a souligné Le Thi Thao Nguyen.
Une transition verte, un impératif de compétitivité
Des politiques publiques à la production industrielle, des règles du commerce international à l’innovation technologique, le processus de “verdissement” du textile vietnamien n’est plus un slogan, mais une évolution inévitable pour une intégration durable.

Avec un cadre juridique clair créé par l’État, un rôle de passerelle assuré par les associations professionnelles, et des entreprises pionnières agissantes concrètement, l’industrie textile vietnamienne peut désormais aborder la chaîne de valeur mondiale avec un nouveau statut : Celui d’un pays producteur non seulement performant, mais aussi responsable envers l’environnement et la communauté.
Le forum “Construire une chaîne d’approvisionnement circulaire : la clé pour une industrie textile verte et durable”, organisé par la VCOSA, s’inscrit dans le cadre de la Foire internationale des machines et équipements de l’industrie textile et de l’habillement – VTG 2025, tenue du 15 au 18 octobre 2025 au Centre des foires et expositions de Saïgon (SEEC, Ho Chi Minh-Ville).
L’événement a constitué une plateforme de dialogue entre autorités, experts, entreprises et institutions financières, nationales et internationales, afin de discuter des exigences de la transition verte, de la conformité aux nouvelles réglementations internationales, et de partager les expériences en matière de technologies de recyclage, de chaînes d’approvisionnement durables et de modèles d’économie circulaire dans le secteur textile.