Dans cette dynamique, les entreprises privées émergent comme un moteur clé, impulsant la modernisation technologique, la transformation à forte valeur ajoutée, le développement durable et l’intégration aux chaînes d’approvisionnement internationales.
Le rôle stratégique du secteur privé a été affirmé par la Résolution no 68-NQ/TW du Bureau politique en date du 4 mai 2025, qui qualifie l’économie privée de « moteur essentiel » de l’économie nationale, en appelant à la création d’un environnement favorable à une croissance rapide, robuste et durable.
Structuration des chaînes de valeur : des champions industriels en action
Parmi les figures de proue du secteur, le groupe Minh Phu, leader national de l’exportation de crevettes, illustre une stratégie intégrée allant de la sélection des espèces à l’élevage, la transformation et l’exportation. Le Van Quang, son directeur général, indique que l’entreprise développe actuellement des zones d’aquaculture centralisées, dotées d’infrastructures modernes, afin d’optimiser les rendements et garantir la traçabilité.
Minh Phu mise par ailleurs sur la haute technologie : intelligence artificielle, blockchain et application mobile seront mobilisées pour gérer l’ensemble de la chaîne de production. Une modernisation qui s’inscrit dans l’objectif de spécialisation accrue et de compétitivité globale.
Selon l’Association vietnamienne des exportateurs et transformateurs de produits aquatiques (VASEP), les exportations de produits de la mer ont atteint 4,11 milliards de dollars au cours des cinq premiers mois de 2025, soit une hausse de 15,1 % en glissement annuel. L’objectif pour l’année entière est fixé à 11 milliards de dollars, une cible ambitieuse qui dépend fortement de la capacité des entreprises à pénétrer de nouveaux marchés.
Sao Ta, une autre entreprise majeure du secteur, en donne un exemple concret : au deuxième trimestre 2025, elle a exporté plus de 3 700 tonnes de produits, principalement des crevettes, soit une hausse de plus de 30 % en volume et de 41 % en valeur par rapport à la même période en 2024. Ho Quoc Luc, président du conseil d’administration, souligne l’expansion vers les marchés nord-américains, asiatiques et plus récemment vers la Chine, considérée comme un marché stratégique à fort potentiel.
Riz à faible émission : percée vers une agriculture verte
Au-delà de l’aquaculture, le secteur rizicole vietnamien affiche également une performance remarquable. En 2024, les exportations ont franchi un seuil historique : 9,18 millions de tonnes de riz pour 5,75 milliards de dollars. Cette réussite porte l’empreinte forte du secteur privé, tant dans la production que dans la commercialisation.
Début juin 2025, la société Trung An a exporté vers le Japon le premier lot de riz vietnamien à faible émission carbone, certifié selon les normes du programme gouvernemental en faveur du développement d’un million d’hectares de riziculture verte dans le delta du Mékong à l’horizon 2030. Pour Pham Thai Binh, président du conseil d’administration, cette opération symbolise une nouvelle étape dans la conquête des marchés de niche exigeant des standards environnementaux élevés.
La Résolution no 68 prévoit explicitement la promotion du financement vert comme levier du développement privé. Elle propose des mécanismes de soutien public, une baisse des taux d’intérêt pour les projets répondant aux critères ESG (environnement, société, gouvernance), ainsi qu’un renforcement de l’accès au crédit pour les entreprises engagées dans les chaînes de valeur durables.
Pour les acteurs pionniers de l’agriculture circulaire et technologique, ces mesures sont décisives. Thai Van Chuyen, directeur général du groupe TTC AgriS, estime que l’accès à des financements à moyen et long termes est encore insuffisant, en particulier pour les projets en partenariat avec les coopératives et les agriculteurs.
De son côté, Le Van Quang appelle à la création de pôles industriels intégrés, incluant des unités de transformation, de services logistiques et de logement pour les travailleurs. L’entreprise propose même un projet pilote de zone industrielle verte dédiée à l’économie circulaire dans le secteur halieutique.
Pour Phan Minh Thong, président du groupe Phuc Sinh, spécialisé dans le café et le poivre, le développement d’usines de transformation à l’échelle locale constitue un maillon indispensable de la chaîne. « Il y a quelques années, un entrepreneur pouvait construire une usine après trois ou quatre ans d’activité. Aujourd’hui, cela exige des capitaux bien plus importants », souligne-t-il, en plaidant pour un appui accru de l’État aux projets industriels agricoles.
Une telle orientation permettrait non seulement de renforcer les capacités de production nationales, mais aussi de créer des écosystèmes durables, de générer des emplois locaux et de faire rayonner les produits agricoles vietnamiens sur les marchés internationaux.