Préserver la tradition, conquérir les marchés étrangers
La ville compte actuellement 1 350 villages d’artisanat, dont 268 villages et 59 villages traditionnels officiellement reconnus. La production repose principalement sur les ménages (86,56 %), tandis que les entreprises représentent 11 %.
Selon le professeur associé Nguyen Thua Loc (Université d’Économie nationale), le marché de consommation est le véritable « baromètre » de la capacité entrepreneuriale. Les produits artisanaux de Hanoï possèdent une valeur unique grâce à la créativité, au savoir-faire des artisans et à leur profondeur culturelle. Toutefois, l’approvisionnement en matières premières reste instable, et leur traitement conditionne directement la qualité finale.
La clientèle internationale est exigeante : elle recherche des objets porteurs d’expérience et d’identité, prête à payer un prix élevé pour des pièces exprimant une esthétique et une personnalité. Mais la capacité d’offre demeure limitée, car la production dépend fortement du savoir-faire et du temps de fabrication. Les ventes se font encore principalement dans les villages, alors que le marketing le plus efficace réside dans « l’histoire » racontée par chaque produit.
Construire une marque dans une concurrence mondiale
Selon le Service de l’Industrie et du Commerce de Hanoï, les exportations chutent fortement vers les États-Unis, l’Union européenne et le Japon, mais progressent de 15 % sur des marchés émergents, comme la Thaïlande, les Philippines et l’Indonésie. En 2024, les exportations vietnamiennes de produits artisanaux sont estimées à 4 milliards de dollars, avec un rythme de croissance inférieur à celui du marché mondial et une compétitivité encore inférieure à la Chine ou à d’autres pays régionaux.

Dans ce contexte, l’artisanat de Hanoï se trouve face à un double défi : préserver ses valeurs traditionnelles et élever sa marque sur les marchés mondiaux. Pour un développement durable, les experts recommandent une stratégie cohérente : investissements à long terme, renouvellement des mentalités et désignation d’un « parrain » institutionnel capable de soutenir les villages dans la construction de leur notoriété.
L’intégration mondiale impose aussi une double exigence : accélérer grâce à la transition numérique et assurer la durabilité grâce à la transition verte.
« Sans innovation, les villages d’artisanat seront éliminés du jeu. Hanoï doit non seulement rivaliser avec 33 autres provinces vietnamiennes disposant de villages d’artisanat, mais aussi sur les marchés internationaux », souligne le Pr associé Nguyen Thua Loc.
À partir de ses recherches, il propose six axes : changer les mentalités et renforcer la compétitivité ; positionner les produits, améliorer la qualité et la technique ; investir dans le design et la créativité, transformer les biens en symboles culturels ; promouvoir activement le commerce, diversifier les canaux, exploiter le commerce électronique ; associer production et tourisme, créer des expériences culturelles et économiques ; construire des marques, assurer la traçabilité et raconter l’histoire de chaque produit.
Les efforts des artisans et des entreprises ne suffisent pas. Pour conquérir les marchés internationaux, il faut l’accompagnement de l’État et des autorités à travers plusieurs mesures : perfectionner les politiques, soutenir le financement et les sites de production, former et transmettre les savoir-faire, développer les ressources humaines, valoriser les artisans, promouvoir le commerce, bâtir des marques et indications géographiques, protéger l’environnement et planifier une production durable.
Un point crucial est la création d’un écosystème réunissant huit acteurs : l’État, les producteurs, les scientifiques, les entrepreneurs, les acteurs culturels, les designers, les acteurs du tourisme et les banques. La participation de ces dernières est essentielle pour concrétiser les projets.
Les consommateurs mondiaux privilégient désormais les produits écologiques, créatifs et porteurs d’identité personnelle. C’est une grande opportunité pour l’artisanat de Hanoï d’intégrer plus profondément la chaîne de valeur des exportations. Mais pour en tirer parti, il faut améliorer nettement le design, la qualité et l’adaptation aux goûts internationaux.