Selon Alvaro Pereira, économiste en chef de l’Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDE), si le gouvernement vietnamien maintient son orientation actuelle, une croissance à deux chiffres dans les années à venir est tout à fait envisageable.
Dans un entretien accordé à la Radio nationale La Voix du Vietnam (VOV), M. Pereira a partagé ses estimations sur les réalisations économiques du Vietnam ainsi que ses perspectives de croissance à court et à long terme.
Journaliste : Quel regard portez-vous sur la croissance économique du Vietnam ces dernières années ?
Alvaro Pereira : J’ai eu l’occasion d’observer de nombreux pays à travers le monde, de l’Australie à l’Amérique du Nord, en passant par l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine, et très peu m’ont autant impressionné que le Vietnam.
Le pays connaît une croissance spectaculaire, avec un revenu moyen par habitant qui double tous les dix ans.
Ces résultats impressionnants sont le fruit d’une gestion macroéconomique rigoureuse, de politiques adaptées et, surtout, de la formidable détermination du peuple vietnamien à bâtir une prospérité partagée. Cela m’inspire profondément.

Depuis la mise en œuvre de la politique de Renouveau (Doi Moi), le Vietnam est devenu l’un des pays à la croissance la plus rapide au monde.
Une autre réussite majeure réside dans la réduction spectaculaire de la pauvreté, passée de 50 % à moins de 1 %.
Atteindre de tels résultats n’est pas chose aisée, rares sont les pays qui peuvent en faire autant.
Journaliste : Le Vietnam met aujourd’hui l’accent sur le renforcement du rôle du secteur privé dans le développement socio-économique national. Quel est votre avis sur cette stratégie ?
Alvaro Pereira : Le Vietnam a su dérouler le tapis rouge aux investisseurs étrangers, ce qui est tout à fait louable. Il est désormais essentiel d’en faire autant pour les petites et moyennes entreprises nationales.
Que faut-il faire ? Il faut leur offrir des opportunités, garantir une concurrence équitable avec les entreprises publiques, et lever les barrières à leur développement.
Il est également nécessaire d’ouvrir davantage de secteurs aux investissements privés, tels que les télécommunications, les infrastructures, la construction ou encore la distribution. Cela permettrait non seulement de stimuler la croissance, mais aussi de créer davantage d’emplois et de renforcer la résilience économique.

Il faut encourager les PME à se développer, à s’agrandir, à explorer de nouveaux marchés, y compris à l’international, et à investir dans des domaines qui leur étaient auparavant inaccessibles.
Journaliste : Comment évaluez-vous les perspectives économiques du Vietnam ?
Alvaro Pereira : L’OCDE vient de publier son rapport sur les perspectives économiques mondiales. Nous avons revu à la baisse nos prévisions de croissance pour la plupart des économies du monde en raison des incertitudes liées au commerce international.
Le Vietnam, cependant, reste l’un des pays les plus dynamiques. Nous prévoyons une croissance de 6,2 % cette année, 6 % l’an prochain, et ce chiffre pourrait même être dépassé si le pays poursuit sur sa lancée.
Il convient de souligner qu’un taux de croissance annuel de 6 à 7 % est déjà remarquable, peu de pays peuvent l’atteindre. Nous restons donc très optimistes quant aux perspectives du Vietnam.
Je sais aussi que le gouvernement vietnamien s’est fixé des objectifs ambitieux, allant jusqu’à 8 %, voire une croissance à deux chiffres dans les prochaines années.
Cet objectif est atteignable, à condition de poursuivre les réformes dans des domaines clés, comme l’éducation et la levée des obstacles à la participation du secteur privé dans les secteurs stratégiques.
Journaliste : Dans un contexte économique mondial instable, quels leviers clés recommandez-vous pour soutenir la croissance du Vietnam ?
Alvaro Pereira : Le monde traverse une période de turbulences, marquée par l’instabilité commerciale et les tensions tarifaires.
À mon avis, le commerce extérieur continuera de jouer un rôle central, mais le développement du marché intérieur est également essentiel pour assurer une croissance durable à long terme.

Le Vietnam doit aussi intensifier ses investissements, publics comme privés. Il existe encore une marge de progression importante dans les infrastructures, en particulier dans les régions moins développées.
Il est crucial d’attirer davantage de capitaux privés dans les secteurs, tels que les transports, les télécommunications, etc.
La réduction de l’économie informelle constitue un autre enjeu majeur. Enfin, l’éducation reste un pilier fondamental. Il est impératif d’investir dans l’enseignement primaire et secondaire afin d’offrir à tous les enfants l’accès à l’école.
Nous saluons la décision du gouvernement vietnamien de rendre l’enseignement secondaire gratuit, et espérons que cette politique s’étendra également à l’enseignement supérieur.
En résumé, le Vietnam s’impose comme un modèle d’économie ouverte. Pour maintenir cet élan, il faut continuer à favoriser l’intégration internationale, renforcer les capacités nationales, et miser sur une croissance inclusive, innovante et durable.