Face à l’expansion fulgurante des plateformes numériques et à une concurrence de plus en plus féroce, la mise en valeur de l’identité et le positionnement de la marque deviennent des éléments vitaux pour affirmer le rôle de la presse en tant que « moyen d’information essentiel à la vie sociale ».
Ne pas sacrifier les valeurs fondamentales
L’identité et la marque de la presse ne résident pas uniquement dans un nom, un logo ou un style graphique.
Plus profondément, elles reposent sur des valeurs fondamentales construites et enrichies au fil du temps : l’histoire, les personnes, la culture, la vision, le style…
Ces éléments forgent la singularité de chaque média et permettent au public de les identifier clairement.
Pour les organes de presse locaux, l’identité est souvent liée aux caractéristiques culturelles, historiques et au mode de vie des communautés locales.
De nombreux lecteurs affirment qu’ils préfèrent des produits journalistiques dotés d’une forte identité, reflétant fidèlement la réalité et offrant une orientation conforme à la culture locale.
Dans un contexte de concurrence intense des réseaux sociaux et plateformes numériques, combiné à la fusion ou réorganisation de nombreuses agences de presse, la construction d’une identité propre et d’une marque forte est un atout de taille pour gagner la confiance du public et se distinguer sur le marché médiatique.
L’explosion des nouveaux médias modifie progressivement les habitudes d’accès à l’information du public.
Beaucoup de gens, désormais, préfèrent chercher des contenus brefs et sensationnalistes sur les réseaux sociaux ou les sites d’information en ligne plutôt que de consulter la presse traditionnelle.
Confrontés à cette pression pour retenir l’attention des lecteurs, certains organes de presse ont malheureusement cédé à la tentation de produire des contenus futiles, sensationnalistes, dépourvus de portée politique, d’orientation ou de valeurs humaines.
Cette dérive nuit gravement à la crédibilité de la presse auprès des lecteurs.
Le professeur Bui Hoai Son, membre permanent de la Commission de la Culture et des Affaires sociales de l’Assemblée nationale (AN), l’a clairement souligné : « la presse officielle ne doit pas courir après les goûts du public au détriment de ses valeurs fondamentales, ni troquer son intégrité contre quelques clics ou partages. Cependant, elle ne peut non plus rester en dehors de la révolution technologique qui transforme chaque jour le comportement informationnel du public ».
Face à ces exigences et défis, la presse doit opérer de profonds changements pour attirer les lecteurs, affirmer sa position dans le paysage médiatique, mettre en valeur son identité propre et produire une information précise, objective, au service du développement national.
Pour atteindre cet objectif, la création d’une identité forte et d’une marque distinctive pour chaque organe de presse est une stratégie incontournable pour garantir la qualité et instaurer la confiance au sein de la communauté.
Un des points du projet de loi modifiant la Loi sur la presse qui a été bien accueilli par les professionnels du secteur est l’ajout d’un chapitre spécifique sur les activités de presse dans l’espace numérique.
Le projet propose d’interdire explicitement aux sites d’information générale et aux réseaux sociaux de produire, d'éditer ou de diffuser des contenus à caractère journalistique, ainsi que toute information interdite par la loi, notamment les fausses nouvelles, les contenus portant atteinte à l’unité nationale, les distorsions historiques, ou encore ceux promouvant les superstitions et les pratiques rétrogrades.
L’avocat Truong Anh Tu, président du cabinet TAT Law Firm, estime que cette disposition permet de clarifier la frontière entre la presse officielle et les plateformes non professionnelles, tout en protégeant la réputation et la marque des organes de presse.
Toutefois, il souligne également que, parallèlement à la protection juridique, les médias doivent eux-mêmes renforcer leur capacité à se protéger en produisant des contenus de qualité, riches en identité, et en affirmant leur marque propre afin d’attirer durablement leur lectorat.
Pionnier dans l’orientation de l’opinion publique
Actuellement, la réorganisation des organes de presse du Parti et des radios-télévisions locales, conformément à la Résolution no 18-NQ/TW, est mise en œuvre de manière synchrone du niveau central au niveau local.
Cela pose de nombreux défis aux organes de presse, qui doivent restructurer leur organisation, transformer leur modèle de fonctionnement, réinventer leurs modes d’opération, mais aussi repositionner la marque de leurs nouveaux produits.
Une nouveauté du projet de loi modifiant la Loi sur la presse réside dans la définition des modèles de « conglomérats de presse multimédia de référence » et de « conglomérats de presse locaux ».
Selon le docteur Le Hai, membre du comité de rédaction de la revue électronique du Communiste (Tạp chí Cộng sản), la formation de ces conglomérats médiatiques est une tendance inévitable.
Elle contribue à parfaire le cadre institutionnel et l’environnement de travail de la presse, tout en tirant parti de la synergie entre les différents types de médias pour créer des produits multiplateformes, répondant aux tendances modernes.
Ce modèle permet aux organes de presse de concentrer leurs ressources et de mettre en œuvre une stratégie cohérente de construction de leur identité et de leur marque.
En réalité, si l’on sait exploiter les identités et les marques des anciennes entités pour bâtir celle de la nouvelle entité issue de la fusion, les conglomérats médiatiques pourront accroître leur influence et conquérir le marché.
Toutefois, cela exige une stratégie adaptée, évitant que les anciennes marques ne soient négligées tandis que la nouvelle doit être bâtie à partir de zéro, ce qui entraînerait un gaspillage de temps et de ressources.
L’expérience de nombreux organes de presse montre que le renforcement des contenus spécialisés, riches en créativité et en originalité, est une solution cruciale pour bâtir une identité et façonner une marque.
Par exemple, la chaîne de radiodiffusion en langues ethniques de la Radio La Voix du Vietnam a su produire des contenus spécifiquement conçus pour les populations minoritaires, répondant à leurs besoins informationnels tout en jouant un rôle de passerelle entre le Parti, l’État et le peuple, notamment dans les zones reculées.
Plus récemment, la Télévision nationale du Vietnam a officiellement pris en charge la mission de fournir un service de télévision extérieure, promouvant l’image du pays et affirmant ainsi une marque médiatique crédible, contribuant à rehausser la position du Vietnam sur la scène internationale.
Par ailleurs, la transformation numérique est la clé pour permettre à la presse de se démarquer dans un environnement concurrentiel intense.
L’utilisation des technologies modernes, de l’intelligence artificielle à l’analyse de données, aide les organes de presse à optimiser leur contenu, à personnaliser l’expérience des lecteurs et à renforcer l’interaction grâce à des produits distinctifs.
Le professeur Ta Ngoc Tan souligne : « La transformation numérique n’est pas seulement une tendance, elle est le facteur décisif de la survie de la presse à l’ère moderne ».
Ainsi, la maîtrise des technologies pour créer des produits uniques, valorisant l’identité et positionnant la marque dans un contexte d’intégration internationale profonde, devient une priorité urgente si la presse ne veut pas être laissée pour compte.
Ces dernières années, l’usage de l’analyse de données pour comprendre les besoins des lecteurs a permis à de grands journaux, au Vietnam comme ailleurs, tels que le Journal Nhân Dân (Le Peuple), l’Agence vietnamienne d’information (VNA), VietNamNet, le JournalTuoi Tre (Jeunnesse), de produire des contenus attractifs pour un large public.
Par exemple, les productions médiatiques marquantes du Journal Nhân Dân à l’occasion du 70e anniversaire de la victoire de Điện Biên Phủ, du 50e anniversaire de la Libération du Sud et de la Réunification du pays, ou encore du 135e anniversaire de la naissance du Président Ho Chi Minh, ont permis au journal de se positionner auprès de la génération Z, habituée à interagir principalement via les réseaux sociaux.
En parallèle, un élément fondamental dans la construction de l’identité et de la marque au sein d’un organe de presse est la culture de rédaction, car elle constitue le socle permettant d’harmoniser les spécificités des différentes entités membres avec la marque commune après fusion.
Cette culture rédactionnelle doit reposer sur des valeurs fondamentales, telles que la responsabilité sociale, l’humanisme et l’attachement à la communauté.
Les organes de presse doivent investir dans la formation de leur personnel, encourager la créativité et renforcer l’éthique professionnelle, en évitant de céder aux tendances éphémères.
La construction d’une culture rédactionnelle permet non seulement de préserver l’identité, mais aussi de motiver et d’instaurer la confiance au sein des équipes journalistiques, notamment après une fusion.
D’autre part, selon le docteur Nguyen Duc Dng, de l’Académie des sciences sociales du Vietnam, « l’identité journalistique n’est pas seulement une valeur culturelle, mais aussi un actif économique, aidant les organes de presse à gagner la confiance du public et à élargir leur marché ».
La presse révolutionnaire vietnamienne est aujourd’hui face à une grande opportunité pour affirmer son rôle en tant qu’outil de communication efficace, tribune du peuple et force pionnière dans l’orientation de l’opinion publique.
Dans un contexte de réorganisation des structures de presse, préserver l’identité et valoriser la marque est à la fois une exigence urgente et un facteur déterminant de la survie et du développement durable de la presse.
Avec le soutien des politiques du Parti et de l’État, ainsi qu’avec des stratégies judicieuses et adaptées, les organes de presse sont pleinement capables de surmonter les défis et de progresser avec assurance dans cette nouvelle ère.
