Nguyen Thi Binh, l’une des femmes qui ont écrit l'histoire de la paix du Vietnam

Depuis leur jeunesse, ces femmes ont tressé leurs longues chevelures noires en une conviction inébranlable : « Le pays magnifique du Vietnam est embelli par les femmes, jeunes et âgées, qui s'efforcent de le broder et de le rendre plus beau et éclatant. » Dans les enseignements de l'Oncle Ho, elles ont trouvé l'idéal pour vivre, lutter et se sacrifier pour l'indépendance, la liberté et la grandeur de la Patrie.
Le 27 janvier 1973, au Centre des conférences internationales à Paris (France), Nguyen Thi Binh, ministre des Affaires étrangères du Gouvernement révolutionnaire provisoire de la République du Sud Vietnam, a signé les Accords de Paris mettant fin à la guerre et rétablissant la paix au Vietnam. Photo d’archives.
Le 27 janvier 1973, au Centre des conférences internationales à Paris (France), Nguyen Thi Binh, ministre des Affaires étrangères du Gouvernement révolutionnaire provisoire de la République du Sud Vietnam, a signé les Accords de Paris mettant fin à la guerre et rétablissant la paix au Vietnam. Photo d’archives.

Elles sont entrées dans les négociations internationales avec la bravoure d'une nation héroïque ; ont discrètement mobilisé la jeunesse au cœur des villes sous contrôle ; ont dirigé des forces en territoire ennemi ; ont posé des mines à retardement, semant la terreur dans les repaires ennemis.

Elles sont des monuments vivants – incarnations de la fidélité, du courage, de l'intelligence et du sacrifice des femmes vietnamiennes. Aux côtés de leurs camarades, elles ont écrit des pages glorieuses de l'histoire nationale, ouvrant la voie et posant les fondations pour que les générations actuelles puissent continuer à écrire l'histoire de la paix.

Parmi elles sont l'ancienne vice-présidente Nguyen Thi Binh, l'ancienne vice-présidente Truong My Hoa et l'héroïne des forces armées populaires Nguyen Thi Lai. Trois personnes, trois vies – chacune brillant par ses réalisations marquantes, mais toutes sont illuminées par une source commune : la pensée de Ho Chi Minh.

Nguyen Thi Binh à la conférence de Paris

« Nous avons suivi la révolution non seulement avec le cœur d’un patriote, mais aussi avec la raison de ceux qui croient en la vérité », a affirmé Nguyen Thi Binh, seule femme signataire des accords de Paris historiques mettant fin à la guerre et rétablissant la paix au Vietnam. Imprégnée des enseignements du président Ho Chi Minh, elle est restée fidèle à l’idéal révolutionnaire dès ses premiers jours dans la résistance. Elle était petite de taille, mais habitée par la bravoure et la stature d’une génération toute entière : solidaire, courageuse et d’une grande intelligence.

À 99 ans, l’ancienne vice-présidente Nguyen Thi Binh dégage toujours une aura de sagesse, de sérénité et de détermination, à l’image des archives filmées où elle apparaissait en tant que cheffe de la délégation de négociation du Gouvernement révolutionnaire provisoire de la République du Sud-Vietnam lors de la Conférence de Paris (1968-1973). À l’époque, les médias occidentaux comparaissaient son art de la négociation à « une danse parmi les loups » et la désignaient avec respect sous le nom de Madame Binh.

La lumière révolutionnaire dans l’obscurité urbaine

Dans une pièce silencieuse, nous avons demandé la permission de nous asseoir près d’elle pour une interview. Vêtue d’un tailleur blanc cassé, les lèvres colorées d’un rouge profond, le regard ferme, la voix chaleureuse et sonore, ses mains pleines de chaleur ont tenu les miennes pendant toute la longue conversation - à la fois empreinte de respect et d’une étonnante proximité. Avec l’aide de sa belle-fille, l’enseignante Mai Thuc Trinh (car son ouïe s’affaiblit parfois), nous avons évoqué avec Madame Binh les moments inoubliables de sa vie de révolutionnaire.

Nguyen Thi Binh est née en 1927 à Sa Dec (aujourd’hui province de Dong Thap), sous le nom de naissance Nguyen Thi Chau Sa, dans une famille profondément attachée à la cause révolutionnaire. Sa mère, Phan Thi Chau Lan, était la fille du patriote Phan Chu Trinh. Son père, Nguyen Dong Hoi, fonctionnaire dans la géodésie, fut affecté au Cambodge, où toute la famille s’installa dans la capitale, Phnom Penh.

Durant son adolescence, elle fréquenta le Lycée Sisowath - l’un des établissements secondaires les plus prestigieux du pays des pagodes, où l’enseignement se faisait entièrement en français.

Dès son jeune âge, la petite Chau Sa montra des capacités intellectuelles remarquables, excellant en particulier en mathématiques. Elle révéla très tôt un esprit patriotique ardent et une grande fierté nationale, n’hésitant pas à débattre, voire à se battre avec ses camarades lorsqu’ils insultaient ses compatriotes en les qualifiant de « Annamites » - un terme péjoratif et méprisant.

En 1945, Nguyen Dong Hoi ramena sa famille au Vietnam et rejoignit la zone de résistance D pour participer à la lutte contre les Français.

Il fut nommé chef du service du Génie militaire du Sud, chargé de la fabrication d’armes pour l’armée. Son père étant occupé par les affaires nationales, sa mère étant décédée alors qu’elle n’avait que 16 ans, Chau Sa, en tant que fille aînée, dut assumer le rôle de chef de famille, veillant sur ses frères et sœurs. Ces années de maturité précoce ont semé en elle les graines de la résilience, de l’autonomie et d’un courage indomptable - des qualités qui allaient forger plus tard une véritable « rose d’acier » de la révolution vietnamienne.

Engagée dans les mouvements patriotiques étudiants dès la fin des années 1940 sous le pseudonyme de Yen Sa, elle fut admise au Parti communiste d’Indochine en 1948. Sous l’identité d’une enseignante de mathématiques et de français à Saïgon, portant désormais le nom de Nguyen Thi Xuan, elle poursuivit ses activités révolutionnaires tout en enseignant. Lorsqu’elle fut envoyée dans le Nord, elle adopta le nom de Nguyen Thi Binh - à la fois pour préserver le secret et symboliser son aspiration à la paix. Elle fut ensuite chargée des affaires étrangères du Front national de libération du Sud-Vietnam, avant de devenir la première ministre des Affaires étrangères du Gouvernement révolutionnaire provisoire de la République du Sud-Vietnam et cheffe de la délégation aux négociations de la Conférence de Paris.

Graver à jamais les enseignements de l’Oncle Ho

En regardant les images d’archives de Madame Binh à la Conférence de Paris, tous - surtout ceux d’entre nous nés après le retour de la paix - ressentent une fierté profonde et une vive émotion. Vêtue d’un ao dai traditionnel rose foncé, les cheveux relevés soigneusement, elle arborait une allure élégante, un comportement confiant mais mesuré.

Dès sa descente d’avion, elle fit forte impression auprès de l’opinion publique internationale. Elle raconte que la délégation ne s’était pas munie de discours grandiloquents, mais portait en elle l’esprit de solidarité et une détermination inébranlable : obtenir la victoire, coûte que coûte.

Maîtrisant parfaitement les directives du Parti et de l’organisation, bénéficiant d’une excellente maîtrise des langues étrangères, elle savait garder son calme, faire preuve de lucidité et affirmer sa détermination sans faillir, même face aux défis les plus complexes. Sous le feu nourri de questions épineuses, elle restait imperturbable ; face aux moqueries, elle répondait avec finesse.

Grâce à son intelligence dans le dialogue et son talent diplomatique exceptionnel, elle sut convaincre même les journalistes les plus exigeants. Lors de nombreuses conférences de presse à Paris, Madame Binh fit preuve d’un esprit vif remarquable, allant parfois jusqu’à retourner les questions les plus épineuses à leurs auteurs, au grand étonnement de la presse internationale.

Lorsqu’on lui a demandé : « Quelle a été la question la plus difficile durant les négociations ? », elle a éclaté de rire avant de répondre calmement : « Aucune question ne pouvait vraiment nous déstabiliser. L’Oncle Ho avait conseillé à la délégation de rester inébranlable sur les principes tout en étant souple face aux circonstances - "dĩ bất biến, ứng vạn biến" : rester ferme sur l’essentiel, mais adaptable à l’infini. Et surtout, ne jamais perdre foi en notre victoire. Par exemple, quand ils demandaient : Y a-t-il une armée du Nord au Sud ?, nous répondions : Le peuple vietnamien est un. Qu’un Vietnamien soit du Nord ou du Sud, face à l’envahisseur, il a le devoir de combattre. Parfois, ils posaient la même question à plusieurs reprises, mais nous répondions simplement : Ce que j’ai dit est clair, il n’y a rien à ajouter. »

Madame Nguyen Thi Binh garde précieusement en mémoire les enseignements du Président Ho Chi Minh, qui soulignait l’importance de gagner le soutien des peuples du monde.

« L’Oncle Ho nous rappelait toujours de soigner notre travail de mobilisation internationale, car la majorité des peuples sont pour la paix et la justice. C’est pourquoi, au-delà des négociations, nous faisions l’effort de visiter chaque semaine un pays différent pour sensibiliser les opinions publiques. Grâce à cela, nous avons réussi à bâtir un vaste mouvement de solidarité internationale, sans précédent dans l’histoire - un facteur clé de la victoire de notre nation », se souvient-elle.

Après près de cinq années de lutte inlassable et de combats intellectuels intenses, la conférence de Paris a connu 201 séances plénières, 45 réunions secrètes de haut niveau, 500 conférences de presse, 1 000 interviews et des milliers de manifestations contre la guerre, en soutien au Vietnam. Ces chiffres témoignent d’un affrontement diplomatique âpre mais profondément légitime, au terme duquel le Vietnam a triomphé grâce à l’unité, la détermination, le courage et la foi inébranlable dans la vérité de la paix.

Servir le peuple, à l’exemple du président Ho Chi Minh

Interrogée sur l’influence de la pensée et de l’esprit diplomatique du président Ho Chi Minh dans son parcours révolutionnaire, Madame Binh s’est exprimée avec émotion et fierté. Elle a évoqué les nombreuses occasions où elle a pu rencontrer le Président, dont un repas partagé avec lui. Elle se souvient avec précision de leur première entrevue : « J’ai rencontré l’Oncle Ho pour la première fois après le regroupement au Nord, en 1955. Lorsqu’il était en France, l’Oncle Ho connaissait mon grand-père, Phan Chu Trinh, car ils militaient tous deux au sein de la communauté vietnamienne d’outre-mer. En apprenant que j’étais sa petite-fille, et originaire du Sud, il m’a accordé l’honneur d’une rencontre. Bien que j’aie beaucoup entendu parler de lui, le voir en personne m’a profondément émue. Il m’a accueillie avec bienveillance, m’interrogeant sur ma famille et mes activités. »

Avant de s’envoler pour Paris afin de participer aux négociations historiques, Madame Nguyen Thi Binh et les membres de la délégation de la République du Sud Vietnam ont eu l’honneur de rencontrer le président Ho Chi Minh. Plus d’un demi-siècle plus tard, chaque mot prononcé par l’Oncle Ho ce jour-là reste gravé dans sa mémoire.

« Il nous a exhortés à rester fermes sur nos positions, à garder l’esprit clair, à exiger le retrait total des troupes américaines et de leurs alliés, et surtout à conquérir l’indépendance nationale à tout prix. La phrase “Rien n’est plus précieux que l’indépendance et la liberté” a guidé chacun de mes pas dans la lutte révolutionnaire. J’ai appris de lui que la diplomatie d’État doit toujours être accompagnée par la diplomatie populaire, et qu’il faut savoir se sacrifier pour la patrie », se souvient-elle avec émotion.

Des sacrifices silencieux, une vie entièrement dédiée à la patrie

Au fil de notre entretien, un instant de silence suspend l’élan de Madame Nguyen Thi Binh, ancienne vice-présidente de la République. Sa voix se fait plus douce : « En raison de mes engagements révolutionnaires, je n’ai pas eu le temps de m’occuper de ma famille. Il m’est arrivé de ne pas remplir pleinement mes rôles d’épouse et de mère. Mes enfants en ont souffert… Mais je considère que ce sacrifice était nécessaire. » À ces mots, son regard se tourne discrètement vers sa belle-fille, l’enseignante Mai Thuc Trinh, comme à la recherche d’un geste de compréhension.

Ne se considérant pas comme une personne romantique, Madame Nguyen Thi Binh s’est toujours consacrée à des actions utiles pour son pays et pour les plus vulnérables. Elle a travaillé sans relâche jusqu’à l’âge de 90 ans en tant que présidente de la Fondation pour la paix et le développement du Vietnam. « Aujourd’hui, sa santé ne lui permet plus de travailler, mais chaque jour, ma mère lit journaux et livres, suit l’actualité à la télévision et s’efforce de maintenir sa routine d’exercices quotidiens », confie l’enseignante Mai Thuc Trinh.

À ce jour, son esprit reste étonnamment vif : elle se remémore avec clarté chaque étape de l’histoire nationale et de son propre parcours révolutionnaire. Avant de prendre congé, Madame Binh me regarde affectueusement et me dit : « J’avais 42 ans quand je suis devenue ministre des Affaires étrangères, et à ton âge, j’ai signé les Accords de Paris. » Puis elle adresse un message empreint de sincérité à la jeunesse : « Aujourd’hui, les conditions sont plus favorables, mais la concurrence est bien plus rude. Il faut donc être excellent dans son domaine, et surtout, ne jamais perdre de vue la primauté de l’éthique. »

Pour de nombreuses générations de Vietnamiens, la “générale” Nguyen Thi Binh n’est pas seulement une diplomate exceptionnelle. Elle incarne le courage et l’intelligence du peuple vietnamien, une communiste fidèle à l’idéal de Ho Chi Minh et à la cause de la libération nationale.

Sur ce chemin, la flamme de la révolution continue de se transmettre, notamment à travers des figures comme Madame Truong My Hoa, qui a consacré toute sa vie à poursuivre ce noble idéal, nourrissant et prolongeant l’aspiration profonde à la paix.

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