Au milieu de l’animation joyeuse des festivités de la Fête de la mi-automne organisées dans de nombreux quartiers de Hanoï, un petit espace, à la fois simple et éclatant de couleurs, attire toujours l’attention : celui des étals de tò he, ces jouets populaires qui ont marqué la mémoire de tant de générations vietnamiennes.

Le tò he, confectionné à partir de boulettes de farine de riz, est façonné par les mains habiles des artisans du village de Xuan La (commune de Phuong Duc, Hanoï). Ces derniers insufflent vie et créativité à chaque figurine, donnant naissance à une multitude de formes et de couleurs tout en préservant l’esprit traditionnel chargé de nostalgie. Ainsi, à chaque Fête de la mi-automne, aux côtés du mam ngu qua (plateau des cinq fruits) et de la lanterne en forme d’étoile, les figurines de tò he continuent de se joindre aux réjouissances de la pleine lune des enfants.

Le village de Xuan La, blotti au bord de la rivière Hue, est depuis longtemps reconnu comme le berceau de l’art de modeler le tò he. Malgré les vicissitudes du temps, les habitants y préservent et transmettent ce savoir-faire ancestral de génération en génération.
Selon les anciens, cet artisanat remonterait à 300 ou 400 ans. À l’origine, il consistait à modeler un plateau de cinq fruits, les douze animaux du zodiaque ou encore des figures familières du monde rural, destinés aux offrandes rituelles, notamment lors de la Fête de la mi-automne. Après la cérémonie, ces objets étaient distribués aux enfants comme gage de partage, utilisés d’abord comme jouets, puis cuits à la vapeur et consommés.

Aujourd’hui, une nouvelle génération de créateurs s’affirme, parmi lesquels se distingue Dang Van Hau. Héritier d’une tradition séculaire, il innove et élève le tò he au rang d’œuvre d’art. Dang Van Hau rappelle que les premières figurines représentaient surtout des oiseaux ou des animaux. On y ajouta ensuite un petit sifflet émettant le son « tò te tí te », d’où le nom tò he. Contrairement aux figurines de pâte utilisées dans les rites, celles-ci s’orientaient vers le jeu et l’éducation, devenant les compagnes de l’enfance.

Les ingrédients restent simples et sûrs : farine de riz ordinaire et farine de riz gluant, mélangées selon une proportion précise pour obtenir une pâte souple et ferme après cuisson. Les couleurs proviennent de pigments naturels extraits de la fleur de sophora, du fruit du gac (Momordica cochinchinensis), de l’indigo ou de l’herbe médicinale nho noi (Eclipta prostrata). Quatre teintes de base, jaune, rouge, bleu et noir, servent de fondement ; par un savant mélange, les artisans créent une palette infinie.

De ces boulettes multicolores, les mains agiles des artisans font surgir des figurines raffinées, à la fois familières et poétiques, qui s’ancrent durablement dans la mémoire des enfants.
Dang Van Hau ne se limite pas aux modèles traditionnels. Il imagine des collections entières inspirées du patrimoine culturel immatériel vietnamien : scènes de ca trù (chant cérémoniel vietnamien inscrit au patrimoine immatériel de l’UNESCO), de chèo (théâtre populaire du Nord Vietnam), de tuong (opéra classique vietnamien), de hát van (chant rituel associé au culte des médiums), représentations du culte des Déesses-Mères, des fêtes populaires, des costumes traditionnels ou encore de la célèbre « noce des souris ».

Parmi ses créations, la série Ruoc den Trung thu (procession des lanternes de la mi-automne) retient particulièrement l’attention. Elle évoque des enfants chantant et dansant sous la lune, avec la tête de lion au centre, symbole de prospérité, de bonnes récoltes et de cohésion communautaire. Réalisées en pâte de riz, ces figurines conservent une simplicité rustique tout en devenant de véritables œuvres d’art. Grâce à elles, des formes de patrimoine parfois exigeantes trouvent un nouveau public et sèment, dans le cœur des jeunes générations, l’amour du folklore et des traditions.

Lors du programme artistique Vietnam–Chine 2025, le stand de Dang Van Hau a attiré une foule nombreuse. Les enfants, notamment, se sont fascinés par les personnages familiers de la célèbre série télévisée chinoise La Pérégrination vers l'Ouest (Xiyouji), aux couleurs éclatantes et souvent munis de petits sifflets. Ce succès confirme la vitalité et l’attrait toujours renouvelé du tò he dans la vie culturelle contemporaine.
Chaque année, à l’occasion de la Fête de la mi-automne, les artisans de Xuan La animent ateliers et démonstrations dans différents lieux de Hanoï : la Citadelle impériale de Thang Long, le Musée d’ethnographie, l’esplanade piétonne autour du lac Hoan Kiem, la rue des fresques de Phung Hung ou encore le Temple de la Littérature. Ces rendez-vous offrent aux visiteurs, et surtout aux enfants, l’occasion unique de découvrir et d’expérimenter cet art populaire.