Cette victoire est le fruit de nombreux sacrifices, non seulement de ceux qui ont combattu en première ligne sur les champs de bataille les plus féroces, mais aussi de ceux qui ont œuvré discrètement à l’arrière : artistes militaires, journalistes de guerre, ouvriers civils de la ligne de front, ainsi que les mères et les sœurs dans les régions de l’arrière. Cinquante ans sont passés, mais les souvenirs des premiers jours de la réunification nationale demeurent intacts dans le cœur de ceux qui ont vécu et été témoins de ce moment historique.
En 1972, le journaliste Dâu Ngoc Dan est l’un des 53 élus intégrés à la classe de correspondants de guerre du Département de l’Information du Département général de la Politique. Lors de la défense acharnée de la Citadelle de Quang Tri pendant les 81 jours et nuits de combats intenses, il y resta plus de 20 jours et nuits.
Lors de la campagne historique de Hô Chi Minh en 1975, il assista le 26 mars avec ses collègues à la libération de Huê. À moto, il franchit le col de Hai Vân et arriva à Dà Nang le 29 mars. Le 29 avril, il se trouvait à Xuân Lôc, en périphérie de Saïgon, où il rencontra le camarade Hông Cu, directeur du Département culturel du Département général de la Politique, et le chef de la Politique du 2e Corps d’armée, le camarade Lê Kha Phiêu, qui lui confièrent directement la tâche d’entrer immédiatement à Saïgon.
Le journaliste Ngoc Dan se souvient : « À ce moment-là, j’ai accompagné la colonne de marche du 66e Régiment de la 304e Division. Ensuite, j’ai rejoint le 4e char de la 203e Brigade blindée. Cette unité a livré le dernier combat acharné au pont de Saïgon et a percé les lignes ennemies au nord du pont avant d’entrer droit dans le Palais de l’Indépendance ».
« À 11 h 24 le 30 avril, moi et mon collègue Hoàng Thiêm étions devant le Palais de l’Indépendance. Saisissant l’instant opportun, j’ai pu capturer les premières images historiques : Duong Van Minh descendant les marches sous la surveillance des soldats de la 304e Division et de la 203e Brigade ; le portrait de Pham Xuân Thê, commandant adjoint du 66e Régiment ; le capitaine Bui Quang Thân, descendant du char 843, courant jusqu’au toit du Palais pour y planter le drapeau du Front national de libération du Sud Vietnam. J’ai aussi immortalisé d’autres témoins de cet événement : la présence d’une journaliste française sur le char 390, la combattante Nguyên Trung Kiên menant un char à la conquête de l’aéroport de Tân Son Nhât… »
Capturer ces images historiques est une chose, mais les transmettre à Hanoï immédiatement constitua un véritable défi. Dans l’urgence de la situation, le journaliste Ngoc Dan eut l’idée de solliciter l’aide de soldats de l’armée de Saïgon encore présents dans le Palais. « À ce moment-là, c’est Vo Cu Long, un officier chauffeur-guide de l’armée de Saïgon, qui s’est porté volontaire pour nous conduire, moi et Hoàng Thiêm, jusqu’à Dà Nang. Le véhicule roula sans arrêt, et nous atteignîmes l’aéroport de Dà Nang le 2 mai. Ce même jour, à midi, Hoàng Thiêm prit un vol militaire pour acheminer les documents à Hanoï. Grâce à ces précieuses pellicules, le journal Nhân Dân et le journal Quân Dôi Nhân Dân ont pu publier, dès le 3 mai 1975, les images historiques du 30 avril au Palais de l’Indépendance », partage le journaliste Ngoc Dan.
Le 30 avril 1975 est jour éclatant dans l’histoire glorieuse du peuple vietnamien : la Libération du Sud et la Réunification nationale. Cette victoire résulte d’innombrables sacrifices, aussi bien de ceux qui ont combattu directement sur les champs de bataille que de ceux qui ont œuvré en silence à l’arrière, des artistes militaires aux journalistes de guerre, en passant par les travailleurs civils de la ligne de front et les mères et sœurs de l’arrière. Cinquante ans se sont écoulés, mais les souvenirs des premiers jours de la réunification demeurent intacts dans le cœur de ceux qui ont vécu ces instants historiques.
Cinquante ans plus tard, chaque fois qu’il se remémore ces événements, le journaliste Ngoc Dan considère qu’il a eu une chance exceptionnelle d’être l’un des deux premiers journalistes du Nord à être présents à ce moment historique. Aujourd’hui, ses clichés sont devenus des documents historiques inestimables de la révolution vietnamienne.
Outre les correspondants de guerre, les artistes militaires ont également joué un rôle essentiel dans la victoire retentissante du 30 avril 1975. Sans participer directement aux combats, leurs chants et leurs musiques ont insufflé du courage, renforcé la volonté et diffusé la foi en la victoire auprès de millions de citoyens et de soldats du pays.
Nguyên Van Van, ancien artiste militaire de la troupe de chant et de danse du Département général de la Politique, a parcouru de nombreux champs de bataille pour se produire devant les troupes. Dans ses souvenirs indélébiles, se produire dans les premiers jours de la réunification nationale fut un moment sacré et profondément émouvant.
Il raconte : « Le 30 avril 1975, à midi, notre troupe se trouvait à Mai Dich. Le chef de la troupe, après une réunion au Département général, annonça que Saïgon était libérée. Tout le monde se précipita dans la cour pour crier de joie. Certains tapaient sur des marmites. Une explosion de bonheur après tant d’années d’attente. Ensuite, nous avons tous oublié de manger et sommes sortis dans les rues pour nous mêler à la liesse populaire, drapeaux et fleurs à la main. Presque aucun habitant de Hanoï ne restait chez lui, tout le monde se rassemblait autour du lac Hoàn Kiêm, sur la place Ba Dinh. Tous étaient submergés de joie, car le Nord et le Sud étaient enfin réunis. »
Peu après, la troupe de chant et de danse du Département général de la Politique reçut l’ordre de partir vers le Sud pour célébrer la libération et se produire devant les populations. « Arrivés à Saïgon dans les premiers jours de la réunification, nous avons choisi nos plus beaux costumes. Une foule immense était rassemblée dans les rues, et tous admiraient la beauté des artistes révolutionnaires.
Nous nous produisions dans la 7e région militaire, au théâtre Quôc Thanh, au théâtre Trân Hung Dao, et dans de nombreux autres lieux de la ville. Des chants célébrant la patrie, le pays, l’Oncle Hô, comme « Giải phóng miền Nam » (Libération du Sud), « Chào anh giải phóng quân » (Salut à toi, soldat libérateur), « Hồ Chi Minh đẹp nhất tên Người » (Hô Chi Minh, le plus beau des noms) résonnaient puissamment dans une atmosphère de paix enfin retrouvée. Jusqu’à aujourd’hui, je n’oublierai jamais l’accueil chaleureux, émouvant que les habitants de Saïgon ont réservé aux artistes venus du Nord, comme s’ils retrouvaient des proches après de longues années de séparation », se rappelle Nguyên Van Van.
L’un de ses souvenirs les plus émouvants demeure une représentation au théâtre Quôc Thanh, dédiée aux anciens prisonniers de Côn Dao tout juste rentrés. « Je me souviens qu’il y avait avec nous Lê Quang Vinh, surnommé la « légende de Côn Dao ». Le dernier numéro de notre spectacle fut la chanson « Như có Bác Hồ trong ngày vui đại thắng » (Comme si l’Oncle Hô était là en ce jour de grande victoire). Dès les premières notes, toute la salle applaudissait avec ferveur. Et à la fin, ces anciens prisonniers n’ont pu retenir leur émotion : ils sont montés sur scène pour nous étreindre, les larmes de bonheur aux yeux, mêlant leurs chants aux nôtres, tel un hymne à un peuple indomptable, à une victoire incomparable ».
Après les représentations à Saïgon, Nguyên Van Van et la troupe poursuivirent leur tournée pour se produire au service des habitants dans les provinces du Sud.