« Phở », « bánh mì » et « bún chả » à l’honneur à Hong Kong

Du « phở » au « bún chả » en passant par le « bánh mì », les chefs réinventent la cuisine vietnamienne dans le Hong Kong multiculturel.

Un « phở » au bœuf à la mode du Sud, servi au restaurant Bep Vietnamese Kitchen. Photo : Bep Vietnamese Kitchen
Un « phở » au bœuf à la mode du Sud, servi au restaurant Bep Vietnamese Kitchen. Photo : Bep Vietnamese Kitchen

Du « phở » (soupe de nouilles de riz servie avec du bœuf ou du poulet, des herbes fraîches et un bouillon parfumé aux épices) au « bún chả » (vermicelles de riz accompagnés de porc grillé, de légumes marinés et d’une sauce à base de nuoc-mắm) en passant par le « bánh mì » (sandwich vietnamien dans une baguette croustillante, garni de viande, de légumes marinés et d’herbes fraîches) au pâté, les chefs redéfinissent peu à peu l’image de la cuisine vietnamienne dans la métropole culinaire multiculturelle qu’est Hong Kong.

Depuis 1975, des dizaines de milliers de Vietnamiens ont émigré à Hong Kong. Selon les estimations de l’Institut américain de politique migratoire, environ 12 000 Vietnamiens y résident en 2024, formant une communauté restreinte, mais influente.

Comparée à la cuisine thaïlandaise, bien plus présente à Hong Kong, la gastronomie vietnamienne peine encore à se positionner dans le segment haut de gamme. « Peu de restaurants vietnamiens à Hong Kong accordent une réelle importance à l’authenticité et à la qualité, mais cela commence à changer », souligne Raymond Wong, fondateur de Bep Vietnamese Kitchen dans le quartier de Central.

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Des « bánh mì » frais, préparés le jour même, au restaurant An Choi. Photo : An Choi

Originaire du Vietnam, Raymond Wong a ouvert son premier restaurant vietnamien à Hong Kong en 2003. Amoureux des saveurs de son pays natal, il importe directement ses ingrédients depuis le Vietnam, de la sauce de poisson aux herbes fraîches, en passant par les piments et les galettes de riz. Le bouillon du phở est préparé à base d’os de bœuf et de deux types de poitrine pour un goût riche et profond, tandis que les plats de riz brisé sont servis avec du bœuf sauté au poivre noir ou des côtes grillées.

À Mong Kok, Kenny Tse, cofondateur du restaurant Pho Viet Authentic Hanoi Cuisine, raconte avoir été séduit par la finesse de la cuisine vietnamienne après des années dans les cuisines d’Asie du Sud-Est à Hong Kong.

« Avant d’ouvrir notre établissement, mon associée Julie et moi avons parcouru le Vietnam pour explorer les saveurs régionales. C’est le manque de cuisine vietnamienne authentique à Hong Kong qui nous a poussés à franchir le pas », confie-t-il.

Julie et Tse retournent régulièrement à Hanoi, ville natale de Julie, tous les trois mois pour renouveler leur inspiration culinaire et s’approvisionner en produits. Environ 70 % des ingrédients sont importés du nord du Vietnam. Outre le « bún chả », rendu célèbre par l’émission « Parts Unknown » avec Anthony Bourdain et l’ancien président américain Barack Obama, le restaurant propose des plats typiques comme le « bún riêu » (soupe de vermicelles de riz avec un bouillon à base de crabe, de tomates, de tofu et d’herbes aromatiques), le « banh mi » (sandwich vietnamien dans une baguette croustillante, garni de charcuterie ou de viande grillée, de légumes marinés et de coriandre) et le « bún thịt nướng » (vermicelles de riz servis froids avec du porc grillé, des légumes frais, des cacahuètes et une sauce à base de nuoc mắm).

Dans le quartier de Sheung Wan, le restaurant An Choi, fondé en 2023 par le couple Kay Mai et Lewis Dai, perpétue également la tradition. Pendant la pandémie, les deux époux ont commencé à élaborer un menu vietnamien depuis leur propre cuisine.

« Beaucoup de Hongkongais pensent que la cuisine vietnamienne est simple et bon marché, alors qu’elle demande en réalité beaucoup de temps et de technique », explique Kay Mai.

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Morue fumée accompagnée de nuoc-mâm au calamondin de Phu Quoc. Photo : Instagram/sephongkong

Le « banh mi d’An Choi » est préparé artisanalement deux fois par jour. Le bouillon de « phở », le pâté de foie, la mayonnaise aux œufs, les légumes marinés et les sauces sont faits maison, dans le but d’offrir un goût net, équilibré, subtil et légèrement épicé, fidèle à l’esprit de la cuisine vietnamienne.

Autre figure de cette scène culinaire en plein essor : Kiki Phung, créatrice de contenu vietnamienne installée à Hong Kong. Elle a ouvert « Banh Mi Nem » à Wan Chai en 2024, s’inspirant de la recette familiale transmise par sa mère, ancienne cheffe de cuisine.

« Je suis très exigeante, car j’ai grandi avec une mère qui cuisinait comme une pro. Mon banh mi est typiquement du sud : riche en saveurs, avec plusieurs couches d’arômes », raconte-t-elle. Bien que modeste, son établissement de vente à emporter a rencontré un franc succès, au point d’ouvrir une seconde adresse à Central.

Pour une expérience plus haut de gamme, le restaurant Sep Hong Kong à Central, ouvert en 2022, propose une vision indochinoise de la cuisine vietnamienne. Son chef, DoBee Lam, qui a vécu sept ans au Vietnam et dont l’épouse est vietnamienne, marie les techniques de cuisson au feu de bois à des ingrédients importés pour une complexité aromatique accrue.

Parmi les plats phares de Sep figure la morue fumée servie avec une sauce au nuoc mắm et au calamondin en provenance de l’île de Phu Quoc (au Sud du Vietnam).

« Je ne cherche pas à transformer les plats vietnamiens, mais à en préserver l’âme tout en y ajoutant une touche internationale pour les sublimer », affirme DoBee Lam.

Des échoppes de rue aux tables gastronomiques, la cuisine vietnamienne s’impose peu à peu à Hong Kong grâce à l’engagement de passionnés vietnamiens en exil, pour qui chaque plat incarne bien plus qu’une saveur : une identité.

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